Saint BENNON 16/08 - 03/08 |
Bennon était originaire
de Souabe et, a ce que l'on prétend, parent de Raoul, roi de Bourgogne.
Il avait été nommé chanoine de la cathédrale;
mais, dégoûté du monde, il renonça à son
bénéfice, quitta Strasbourg pour aller chercher, vers l'an
906, un asile dans quelque solitude et y servir Dieu. Il arriva en Suisse,
à quelques lieues de Zurich, dans un désert, où saint
Meinrad avait jeté, 43 ans auparavant, les fondements d'un monastère
qui fut abandonné depuis sa mort. Cette solitude était alors couverte par une forêt et ne produisait pas même de quoi subvenir à l'entretien du pieux ermite; mais de quoi n'est pas capable un homme qui veut vivre pour Dieu, et quels obstacles pourraient arrêter une âme détachée du monde et soupirant après les biens de l'éternité? Bennon arrachait à la terre quelques herbes, dont il faisait sa nourriture, et lorsque, plus tard, des disciples étaient venus s'adjoindre à lui pour partager ses austérités, ils défrichèrent ensemble ces déserts et pourvurent ainsi à leur existence. Mort au monde et à lui-même, et intimement pénétré de la bassesse de son néant et de la grandeur de la Bonté Divine, il s'élançait vers Dieu par une ferveur continuelle; il regardait comme un instant 5 à 6 heures de prières, qu'il faisait chaque matin, et, en sortant de cet exercice, on remarquait sur son visage quelque chose d'extraordinaire. Sa foi était si vive, qu'on eut dit qu'il pénétrait la réalité des mystères qu'elle nous enseigne. Ses disciples imitèrent les beaux exemples qu'il leur donnait, et marchèrent à grands pas dans la voie de la perfection. Le seigneur de la contrée leur abandonna un terrain inculte; ils en tirèrent le parti le plus avantageux, rebâtirent la chapelle détruite et construisirent quelques cellules : c'est là l'origine de la célèbre abbaye de Notre-Dame-des-Ermites. Bennon consacra une partie de sa fortune à procurer à sa communauté les choses les plus nécessaires, et il fut aidé dans ses louables desseins par Adalbéron, évêque de Bâle, son parent, qui lui donna sa terre de Sierentz, dans la haute Alsace, que l'abbaye d'Einsiedlen conserva jusqu'à la fin du 14ième siècle, époque à laquelle elle la rendit à Burkard Münch de Landseron. Ainsi se forma autour du saint homme une nombreuse communauté, qui ne suivit pour règle que la vie exemplaire de Bennon, jusqu'à ce que, plus tard, on y introduisît la règle de Saint-Benoît. L'abbaye de Seckingen donna l'île d'Uffnau, dans le lac de Zurich, en fief à Einsiedlen. Bennon avait quitté le monde dans le dessein de n'y jamais rentrer; il avait trouvé dans son désert un ample dédommagement de tous les sacrifices qu'il avait faits, lorsque l'empereur Henri l'Oiseleur vint l'en arracher pour l'élever sur le siége épiscopal de Metz. Ce prince, qui avait entendu parler de la sainteté de Bennon et des grandes qualités que chacun admirait en lui, s'était emparé de la Lorraine. Sans avoir égard au droit d'élection, dont jouissait le clergé et le peuple de Metz, il nomma Bennon pour gouverner l'Eglise de cette ville. Le serviteur de Dieu ne se rendit qu'avec peine à la proposition de l'empereur; l'idée de procurer la gloire de Dieu dans cette charge éminente, pouvait seule l'y faire consentir, et il quitta son monastère en 925. Ses disciples furent inconsolables de cette perte; mais Bennon calma leur douleur en leur faisant entendre qu'il les reverrait un jour. Le clergé et le peuple de Metz avaient vu avec un singulier mécontentement l'infraction commise par leur empereur contre les règles établies par les canons de l'Eglise pour l'élection des pasteurs, et quelques historiens prétendent y trouver l'origine des mésintelligences qui éclatèrent presque aussitôt. Quant à Bennon, il s'appliqua avec le zèle d'un apôtre à guérir les plaies de son Eglise; mais un peuple ingrat et indocile n'est pas facile à conduire; les préventions qu'il nourrissait contre lui ne purent être vaincues par l'aspect des vertus du saint pontife. Bennon n'opposa aux rigueurs qu'on lui témoignait que la douceur et la sainteté de sa vie ; nuit et jour il poussait vers le Seigneur des soupirs et des voeux enflammés et lui demandait la patience, pour triompher des coeurs rebelles de ses diocésains. Malgré l'aversion que lui marquait son troupeau, le vertueux prélat s'éleva avec force contre les vices qui dominaient dans son Eglise; cela n'empêcha pas quelques scélérats, que son zèle avait révoltés, de se saisir de lui en 927 et de lui crever les yeux, le mutilant ensuite d'une manière honteuse. Bennon supporta cet acte de cruauté avec le courage d'un martyr ; quoiqu'il connût ses ennemis, il ne voulut jamais, pour en tirer une vengeance, les dénoncer à la justice de l'empereur ; il demanda au contraire leur grâce et s'intéressa pour eux. Le concile de Duisbourg lança une sentence d'excommunication contre les auteurs de cet attentat, et les fit punir selon les lois qui étaient en usage à cette époque. Le bienheureux prélat ne se regardant plus comme propre à gouverner son diocèse, et quoique la partie saine de son troupeau tâchât de réparer le crime de quelques malfaiteurs, il renonça à son évêché et reprit le chemin de sa solitude. Ses anciens disciples le reçurent avec une espèce de vénération et virent en lui un martyr de son zèle; ils s'empressèrent de lui prodiguer toutes les consolations possibles, afin de lui faire oublier sa disgrâce. Bennon regarda cette épreuve du Ciel comme une faveur que lui faisait le Seigneur, puisque, en lui ôtant la vue corporelle, on lui procurait les moyens de s'avancer encore davantage dans le chemin de la vertu. Sa vie fut plus que jamais consacrée aux actes de piété et aux oeuvres de mortification: pendant plus de 10 ans, il ne cessa de donner à ses religieux l'exemple d'une entière soumission à la volonté de Dieu. Il pouvait dire dans le même esprit qu'autrefois le grand Apôtre : "Qui me séparera jamais de l'amour de Jésus-Christ? Couronnes, richesses, plaisirs, j'ai foulé aux pieds vos charmes; et vous, tribulations, tentations de toute espèce, afflictions de corps et d'esprit, vous ne sauriez ébranler ma constance ; et toi, mort, qui parais si redoutable, je méprise tes coups, ils ne m'effraient pas, parce que j'espère en un plus fort que toi, en celui qui a détruit ton empire et qui t'a enlevé ta proie". Jamais Bennon ne se plaignit du triste état auquel il était réduit. Ses occupations continuelles étaient la prière et la méditation; les religieux s'assemblaient souvent autour de lui pour le consulter sur leur avancement dans la perfection. Le pieux prélat fut affligé, sur la fin de ses jours, de diverses infirmités qui ajoutèrent encore à ses souffrances; mais au milieu des douleurs les plus aiguës, on l'entendit souvent prononcer ces paroles remarquables «Seigneur, augmentez mes souffrances, mais accordez-moi la patience". Enfin, après avoir été pendant de longues années le modèle de toutes les vertus, le Seigneur l'appela à une vie plus heureuse, le 3 août 940. Bennon s'était préparé à la mort comme les saints s'y disposent : les derniers jours de son existence n'étaient plus qu'un entretien continuel avec Dieu. Il rendit l'âme au milieu de ses disciples, dans les bras de son ami Eberhard, et fut enterré près de l'oratoire de la sainte Vierge. |