SAINT EUTHYME LE GRAND
02 février / 20 janvier |
Comme Saint Antoine pour
l'Egypte, notre Saint Père Euthyme fut, quelques années plus
tard, le fondateur et le père du grand mouvement monastique qui allait
remplir le désert de Palestine. Accordé par Dieu à ses
parents, longtemps restés sans enfants, comme fruit de leurs prières,
il naquit en 378 à Mélitène, en Petite-Arménie,
en signe précurseur de la période de joie et de paix qui allait
bientôt s'ouvrir pour l'Eglise, troublée depuis quarante ans
par la persécution arienne. Quand il perdit son père, à
l'âge de trois ans, sa mère le confia à l'évêque
Otréios qui, discernant la faveur de Dieu sur l'enfant, le baptisa
et le consacra aussitôt Lecteur de son église. Elevé
dans la maison épiscopale dans la vertu, la tempérance et l'application
aux Saintes Ecritures, Euthyme apprit très tôt à accomplir
l'Office Divin aux temps fixés avec crainte de Dieu et à prier
d'un coeur non distrait. Il ne sortait guère que pour rendre visite
aux moines des alentours et, à chaque carême, de la Théophanie
à Pâques, il s'enfonçait dans le désert pour y
vivre dans le silence et la solitude, à l'imitation du Saint Prophète
Elie et de Saint Jean Baptiste. Brillant ainsi de telles vertus, il fut ordonné
Prêtre dès l'âge de dix-neuf ans et nommé aussitôt
supérieur de tous les monastères du diocèse. Il s'acquitta
de cette charge pendant une dizaine d'années, puis voyant dans ces
honneurs un obstacle à la vertu, il s'enfuit vers Jérusalem,
avec le désir d'imiter la conduite de Notre Seigneur Jésus-Christ
au désert, et s'établit un peu en dehors de la Laure de Pharan,
fondée plus d'un siècle plus tôt par Saint Chariton (mémoire
le 28 septembre), dans une cellule de solitaire où, libéré
de tout autre souci que de plaire à Dieu par les prières et
par les jeûnes, il s'occupait à tresser des cordes, afin de
n'être à la charge de personne. Il se lia alors d'une si étroite
amitié spirituelle avec son voisin Théoctiste (mémoire
le 3 sept.) que l'un et l'autre avaient tout en commun, pensée et
manière de vivre, comme s'ils n'étaient qu'une âme en
deux corps. Euthyme l'emportait cependant par la douceur et l'humilité;
c'est pourquoi Dieu lui accordait plus manifestement sa faveur et lui donnait
l'initiative en toute chose.
Comme chaque année les deux ascètes
allaient passer tout le Carême dans le grand désert de Koutila,
vers la Mer Morte, ils furent un jour conduits par Dieu, jusqu'à une
grotte admirable, située sur le flanc d'un précipice, qu'ils
élurent aussitôt comme demeure et qu'ils transformèrent
en église de Dieu par la vertu sanctifiante de leurs hymnes et de leurs
prières. Après avoir passé quelque temps, inconnus de
tous, en ne vivant que des herbes qui poussaient là, ils furent découverts
par des bergers des environs. Dès lors les habitants du village le
plus proche se firent un honneur de pourvoir à la subsistance de ces
hommes de Dieu, et des moines de Pharan commencèrent à les
visiter et à se joindre à eux en nombre croissant. Le vénérable Euthyme progressait ainsi sans cesse dans la conversation intime avec Dieu, et il acquit en retour le pouvoir de faire des Miracles. Un jour de l'an 420, il guérit d'un signe de Croix le fils du chef d'une bande de Sarrasins, venu le trouver à la suite d'une vision. Les barbares, émerveillés à la vue du Miracle, se jetèrent alors à ses pieds en lui demandant de leur enseigner la Doctrine qui donne à l'homme la victoire sur la mort et de les illuminer par le Saint Baptême. Certains d'entre eux se joignirent aux disciples d'Euthyme, et leur chef, ayant reçu le nom de Pierre, se fit ardent missionnaire auprès des groupes nomades de Sarrasins essaimés en Palestine. Cette guérison rendit le nom d'Euthyme célèbre dans tout le pays. Les malades accouraient de partout en foule, en troublant fort sa retraite, aussi décida-t-il de s'enfuir, malgré les instances de Théoctiste et des autres frères, vers le désert plus profond de Rouba, en compagnie du seul Domitien originaire lui aussi de Mélitène. Il passa ainsi quelques années dans divers endroits où, ses miracles ayant attiré de nouveaux disciples, il fonda des monastères; puis il retourna finalement à proximité de Saint Théoctiste et s'installa avec Domitien dans une grotte située sur une petite colline, au milieu d'une vaste plaine désertique (le Sahel). Au bout de peu de temps, Pierre lui amena une foule de Sarrasins qui demandaient le Baptême. Ces loups du désert ayant été transformés en troupeau spirituel du Christ, ils ne voulurent plus quitter le Saint et installèrent leur campement permanent à proximité, campement qui devint par la suite un Evêché avec Pierre pour Pasteur. Euthyme continuait à envoyer à Théoctiste ceux qui voulaient vivre sous sa direction; jusqu'au moment où Dieu lui ordonna, dans une vision, de commencer à recevoir lui-même des disciples et de fonder une laure, organisée sur le modèle de Pharan. Les ermites y vivaient retirés toute la semaine, non plus dans des grottes mais dans des cellules construites par Pierre et les Sarrasins, et se réunissaient pour la Vigile dominicale autour de leur Prêtre et père spirituel dans l'église consacrée en 428 par l'Archevêque Saint Juvénal (mémoire le 2 juillet). Lorsque Saint Euthyme célébrait la Divine Liturgie un feu venu du ciel se déployait au dessus de l'Autel et les recouvrait, lui et son Diacre Domitien, comme un voile. L'oeil de l'intelligence illuminé par la Grâce, il pouvait distinguer clairement ceux qui s'approchaient dignement de la Sainte Communion et ceux qui, l'âme chargée de péchés, communiaient pour leur condamnation ; il discernait les secrets des coeurs et prophétisait l'avenir. Malgré la grande pauvreté de la Laure, le Saint se montrait hospitalier et généreux envers tous ceux qui venaient les visiter. Un jour, il fit, par sa prière, se remplir de pains le cellier vide, en quantité suffisante pour nourrir les quatre cents pèlerins venus d'Arménie rendre visite à leur compatriote, et pendant trois mois la réserve ne se désemplit pas. Aux nombreux Miracles que l'homme-de-Dieu accomplissait, il joignait toujours l'enseignement sur l'obéissance, sur la persévérance dans la condition où Dieu nous a placée et sur la pénitence; si bien que la Grâce qu'il déversait sur ses disciples et sur le peuple était toujours pour leur édification et leur progrès dans la vertu. Saint Euthyrne était en tout un modèle parfait de conduite évangélique, et dans les temps troublés qui s'écoulèrent entre, le Concile d'Ephèse (431) et le Concile de Chalcédoine (451), il fut pour les fidèles un critère sûr de vérité et une colonne d'Orthodoxie. Il envoya des disciples à l'un et l'autre des Conciles, et ceux-ci y jouèrent un rôle notable. A l'issue du Concile de Chalcédoine, un imposteur, Théodose, réussit à s'emparer pendant vingt mois du trône de Jérusalem et à entraîner dans le parti monophysite une grande partie des moines de Palestine, pour qui la subtile terminologie théologique du Concile était peu compréhensible. Euthyme et ses disciples restèrent seuls à soutenir la Foi Orthodoxe, malgré toutes les menaces et les accusations de nestorianisme. Comme Saint Antoine, l'éclat de sa sainteté était la preuve de la vérité de sa doctrine; aussi, peu à peu, les moines les plus pieux se rangèrent-ils derrière lui. L'impératrice Eudocie, veuve de Théodose II, établie en Palestine, s'était elle aussi laissée attirer par les monophysites; mais frappée par les malheurs advenus à sa famille lors de la prise de Rome, elle réalisa son égarement et, cherchant à rentrer dans la communion de l'Eglise, elle envoya des émissaires auprès de Saint Syméon le Stylite, près d'Antioche (voir le 1er sept.). Celui-ci l'exhorta à revenir en hâte à l'Orthodoxie et lui fit dire: «Pourquoi chercher au loin à puiser l'eau, alors que tu as près de toi la source. Tu as l'homme-de-Dieu Euthyme, suis ses enseignements et tu seras sauvée! » Elle se fit alors construire une tour près de la laure et y reçut les instructions d'Euthyme. comme si elles sortaient de la bouche même de Dieu. Elle prit ensuite fermement la défense de la Foi et couvrit la Palestine de généreuses donations: églises, monastères, hospices. Le vénérable ascète, chargé de jours mais animé de toute la ferveur que donne l'Esprit Saint, guidait vers le Royaume des Cieux quantité de disciples, parmi lesquels on compte les plus grandes figures monastiques de l'époque: Saints Sabas (5 déc.), Cyriaque (29 sept.), Gérasime (4 mars), et nombre d'Evêques. A l'âge de 90 ans, il descendit visiter Théoctiste, juste à temps pour assister à ses derniers moments, célébrer ses funérailles et désigner un nouvel Higoumène. Dieu lui accorda aussi de connaître à l'avance le jour de sa mort, mais il n'en dit rien jusqu'au jour où, selon sa coutume et malgré son grand âge, il devait partir passer le Carême au désert. Pendant la vigile de Saint Antoine, il réunit ses disciples et leur donna son ultime enseignement: «Gardez toujours, comme principe et comme fin de toute bonne activité, la charité sincère, qui est le lien de toute perfection. Toute vertu se fortifie par la charité et l'humilité, avec l'aide de l'expérience, du temps et de la grâce. Mais la charité l'emporte sur l'humilité, car c'est par charité que Le Verbe de Dieu s'est humilié en se faisant pareil à nous». Il leur recommanda aussi de rendre grâce à Dieu en tout temps, pour les avoir retirés de la confusion du monde et les avoir placés dans cette condition sainte, à l'imitation des Anges; puis il leur fit élire son successeur, leur annonça la mort prochaine de Domitien et la transformation de la laure en cénobion. Il leur indiqua l'endroit où devaient être construits l'église et les bâtiments, les exhorta à ne pas négliger l'hospitalité, à consoler et stimuler les frères éprouvés par les tentations et à accomplir avec dévotion tous les Services Divins. Après être demeuré trois jours seul dans le Sanctuaire, il s'endormit en paix, le 20 juin 473, le visage serein et tout blanc, plus angélique que terrestre; et il fut suivi quelques jours plus tard par Domitien, son fidèle disciple depuis 50 ans. Une foule immense de moines, de Clercs et de laïcs se rassembla pour les funérailles de ce Père du Désert. Un grand nombre de Miracles s'accomplit alors et continua longtemps de s'accomplir sur son tombeau, placé à remplacement de sa grotte. Toute l'Eglise commença aussitôt à vénérer Saint Euthyme comme un de ses Pères parmi les plus grands, car, ayant mené toute sa vie dans la solitude, il n'avait néanmoins jamais cessé d'être le soutien de la Foi, le missionnaire, le législateur de la vie communautaire et l'économe de la Grâce de Dieu. |