Saint vénérable Père Jérome
 
 
 

28/06 - 15/06


 
 
Notre Saint Père Jérôme naquit en 347 à Stridon, près d'Aquilée, en Italie du Nord, au sein d'une famille chrétienne. A l'âge de douze ans, il fut envoyé à Rome pour y faire ses études auprès du célèbre grammairien Donat qui éveilla en lui le goût de la rhétorique, dont toutes ses úuvres resteront imprégnées. Le jeune garçon, doué d'un tempérament ardent et d'une immense mémoire, étudiait avec fougue et montrait un désir insatiable de savoir. De fréquentes visites aux tombeaux des Martyrs, dans les catacombes, lui inspirèrent un zèle inconditionnel pour le Christ ; mais, emporté par ses fréquentations, sa jeunesse n'en fut pas moins désordonnée et orageuse, ce qu'il regrettera plus tard amèrement. Vers l'âge de vingt ans, peu après avoir reçu le Baptême, il quitta Rome pour Trêves, alors résidence de l'empereur, en vue d'y faire carrière dans l'administration. C'est là qu'il sentit l'appel irrésistible de Dieu : tout quitter pour se mettre à Son service. Il se rendit alors à Aquilée, où il fréquenta, en compagnie de son ami et condisciple Rufin, un cercle de Clercs et de laïcs adonnés à de pieuses méditations, qui formaient, disait-il, "un chúur de bienheureux". S'étant dès lors engagé dans la vie ascétique avec toute l'ardeur d'un caractère sans compromission, il décida de suivre l'exemple du Patriarche Abraham et de tous ceux qui s'étaient exilés par amour de Dieu, et s'embarqua pour l'Orient. Parvenu à Antioche, il passa le Carême dans le jeûne et la méditation assidue des Prophètes, réflexion qu'il agrémentait cependant de la lecture des auteurs classiques. Atteint d'une fièvre violente, au milieu du Carême, et parvenu presque aux portes de la mort, il fut ravi en esprit et se vit comparaître devant le tribunal de Dieu. Comme il déclinait son identité de Chrétien, le Juge lui répondit: « Tu mens, tu es Cicéronien, et non pas Chrétien ! » et il ordonna de le frapper de verges. Ainsi fouetté par sa conscience, Jérôme fit le serment suivant : « Seigneur, si jamais je possède des livres profanes, ou si j'en lis, c'est que je T'aurai renié ! » Dès lors, il se consacra exclusivement à la lecture de l'Ecriture Sainte. Et, sans prendre conseil de personne, il s'enfonça dans le désert de Chalcis (sud-est d'Antioche), avec le désir d'imiter les combats de Saint Antoine. Mais il avait présumé de ses forces et, malgré les jeûnes et les macérations qu'il s'imposait, il se trouvait terriblement éprouvé par les pensées et les souvenirs de sa vie passée. Alors qu'il épuisait sa chair par l'ascèse, qu'il était brûlé par le soleil et vivait au milieu des scorpions et des fauves, il croyait se trouver au sein des délices de Rome, entouré de jeunes femmes licencieuses. Pour lutter contre l'acédie, il se perfectionnait dans la connaissance du grec, apprenait avec grands labeurs l'hébreu et le chaldéen, et entretenait une correspondance avec ses amis d'Aquilée. 

Dans ces épreuves, Dieu lui accordait de célestes consolations, mais il dut néanmoins bientôt quitter le désert, dont la paix était troublée par les querelles des moines au sujet du schisme de l'Eglise d'Antioche. Sympathisant envers le parti de Paulin, Jérôme fit appel au Pape Damase pour lui demander de trancher le débat, mais il n'obtint aucune réponse. Il se rendit alors à Antioche où, ayant été ordonné Prêtre, malgré ses réticences, par Paulin, il poursuivit son étude de la Bible auprès du très savant Apollinaire de Laodicée, filtrant dans son enseignement ce qui n'était pas conforme à l'Orthodoxie. Puis, attiré par la réputation d'éloquence et de sainteté de Saint Grégoire le Théologien, il partit pour Constantinople, où il passa trois années à son école, découvrant avec admiration les úuvres d'Origène, qu'il commença à traduire. Après la démission de Saint Grégoire, il fut invité par Paulin d'Antioche et Saint Epiphane à les accompagner au concile de Rome (382). Au cours des sessions, le Pape Damase remarqua les rares talents de Jérôme et, à l'issue du concile, il le garda auprès de lui comme secrétaire. Le grand Hiérarque savait stimuler son esprit par des questions sur les passages difficiles de l'Ecriture, et il le chargea de réviser les traductions latines de l'Evangile d'après les originaux grecs.

Sa réputation d'exégète l'amena à devenir le guide spirituel d'un cercle de femmes nobles et pieuses, réunies par Sainte Marcelle dans son palais de l'Aventin. On organisa des conférences régulières, au cours desquelles Jérôme agrémentait ses explications du texte sacré et ses cours d'hébreu par des exhortations enflammées sur la vie ascétique. A la toute jeune fille de Sainte Paule, Sainte Eustochie, il écrivait: « Sois la cigale des nuits. Baigne ton lit chaque nuit, inonde ta couche de larmes. Veille et deviens comme le passereau dans la solitude... ». Mais son zèle indomptable, tant pour exalter la vie ascétique que pour réprouver la conduite des Prêtres mondains, trouva de nombreux opposants qui l'accusaient de condamner le mariage et qui, après la mort de Damase (384), firent circuler sur lui d'infâmes calomnies qui l'obligèrent à quitter Rome (385).

Il retrouva Paule et sa fille Eustochie à Antioche, et entreprit avec elles un long pèlerinage, tant en Terre sainte qu'en Egypte, auprès des Pères du désert. A l'issue de ce périple, suivant l'exemple de Sainte Mélanie l'Ancienne et de son ami Rufin au mont des Oliviers, Jérôme se fixa à Bethléem et fonda, près de la Basilique de la Nativité, deux Monastères: l'un pour les Moines et l'autre pour Sainte Paule et les pieuses femmes qui l'avaient suivie. Veillant à l'organisation des deux communautés, il rédigea alors à leur intention les vies de Saint Paul de Thèbes , de Saint Hilarion et de Saint Male. Il commentait chaque jour l'Ecriture à Sainte Paule et à ses disciples, et recevait de plus les nombreux pèlerins qui venaient vénérer la grotte de la Nativité et s'abreuver à la source de sa science. Mais c'est surtout là qu'il se consacra à son úuvre immense de traduction de l'Ecriture Sainte et de commentaires suivis, inspirés de la méthode d'Origène mais laissant une plus large place à l'interprétation littérale. « Ignorer les Ecritures, c'est ignorer le Christ » déclarait-il, et son souci de revenir à l'exactitude du texte original le poussa à entreprendre la traduction de tout l'Ancien Testament à partir de l'hébreu, tâche colossale qu'il acheva au bout de quinze ans d'un travail acharné (405).

Outre ces travaux d'exégèse, son caractère impétueux ne le laissait pas garder le silence sur les affaires ecclésiastiques du temps, et c'est avec la même fougue qu'il avait mise pour lutter contre les passions au désert, qu'il engagea le combat pour la défense de la vérité contre les hérétiques. Malgré son admiration pour Origène, il suivit Saint Epiphane  dans sa campagne tumultueuse contre les disciples du grand docteur alexandrin, et se brouilla avec son ami Rufin et son Evêque, Jean de Jérusalem. La controverse s'aggrava lorsque Epiphane s'avisa d'ordonner le frère de Jérôme, Paulinien, pour servir les Monastères de Bethléem. Jean protesta contre cet empiétement anticanonique sur sa juridiction, et interdit l'accès de la Basilique de la Nativité à Jérôme et ses disciples. Ils parvinrent cependant à une entente, grâce à l'intervention de Théophile d'Alexandrie (396) ; mais, deux ans plus tard, le conflit rebondit, à l'occasion de la traduction par Rufin du Traité des Principes d'Origène. Jérôme riposta aussitôt par une traduction montrant toute l'hérésie d'Origène, et il continua sa polémique contre son ancien ami jusqu'après la mort de ce dernier.

L'afflux à Bethléem de foules de réfugiés, venus d'Occident à la suite de "la prise de Rome par les barbares (410), exigeait de se mettre à leur service et de «faire plutôt qu'écrire des saintes choses ! » mais Jérôme n'en poursuivit pas moins, de nuit, ses travaux d'exégèse et de polémique. Il écrivit en particulier contre les Pélagiens qui, en représailles, attaquèrent les Monastères de Bethléem et laissèrent les bâtiments en ruine (416). Cette communauté latine, isolée en Orient et désormais déclinante, n'avait guère d'avenir, et après le trépas de Saint Jérôme, survenu le 30 septembre 420, elle ne tarda pas à s'éteindre.