Saint Philosoph
de Saint-Pétersbourg
 

13/06 - 31/05
 


 
 
A. Shingarev et F. Kokoshkin étaient délégués au Concile Local de l'Eglise Orthodoxe Russe. Ils furent arrêtés et emmenés à la forteresse Pierre et Paul, et de là à líhôpital Mariinsky. La nuit du 6 janvier 1918, un groupe de soldats de l'Armée Rouge et de marins entrèrent dans líhôpital et les fusillèrent.

L'archiprêtre Piotr Skipetrov était le recteur de l'église des Saints Boris et Gleb, qui se trouvait à côté de la célèbre chapelle de la Mère de Dieu "Joie des Affligés", dans le district Kalashnikov de Petrograd. Des centaines de milliers de pèlerins venaient s'assembler près de l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu. Le père Piotr avait une grande influence sur le peuple, et était un grand ennemi des communistes, dont il dénonçait bravement le régime dans ses sermons.

Au début de 1918, le vieux père Piotr revenait de la réunion d'un concile diocésain. En leur souhaitant l'au revoir, le métropolite Benjamin de Petrograd avait conseillé au clergé de ne pas rentrer seul à la maison, mais en groupes. Le père Piotr et son beau-frère, le futur hiéromartyr le père Philosoph, partirent ensemble avec un de ces groupes. A l'extérieur de la cathédrale de la Laure Alexandre Nevsky, ils furent rejoints par un grand détachement de soldats et marins de l'Armée Rouge. Les agents de la police secrète, la Tcheka, voulaient inspecter le cercueil en argent dans lequel se trouvaient les reliques de saint Alexandre Nevsky. Un des soldats s'adressa de manière vulgaire au p. Piotr, avec des paroles insultantes. D'après un des compte-rendus, le p. Piotr se tenait sous le porche de l'église, portant des vêtements et une croix de bénédiction. Ses yeux s'allumèrent de colère, ses longs cheveux blancs, comme ceux des anciens prophètes, flottant au vent. Il tenta en vain d'arrêter les hommes armés, les exhortant de ne pas faire violence aux fidèles. Un ordre fusa, et le p. Piotr fut abattu d'une balle dans la bouche. Il tomba sur le sol, couvert de sang. Les agents passèrent tranquillement sur son corps et entrèrent dans l'église. Le p. Piotr fut emmené dans une petite infirmerie militaire de la Perspective Nevsky, mais quand les médecins arrivèrent, ils ne purent rien faire d'autre qu'une trachéotomie. Le matin suivant, il se reposa.

Les funérailles furent solennellement triomphantes, car cela eut lieu durant la période Pascale, et "Christ est Ressuscité était chanté. L'Office du défunt fut célébré par le métropolite Benjamin, accompagné d'un grand nombre de clercs. Le sermon fut prononcé par le p. Philosoph. 

Le p. Philosoph (Ornatsky) était né dans la région Cherepovetsky de la province de Novgorod, dans la famille d'un prêtre de village. Dès sa plus tendre enfance, l'Eglise et ses Divins offices étaient devenus parties intégrantes de la vie de saint Philosoph. Tous ses frères firent choix du chemin du service de l'Eglise. Deux devinrent prêtres, et un, diacre. Un de ces frères prêtres, le p. Jean Ornatsky, épousa la nièce de saint Jean de Cronstadt, servit à Saint-Petersbourg, et fut particulièrement aimé par le grand pasteur de Cronstadt pour sa douceur et sa gentillesse. Les autres frères restèrent pour servir dans leur ville natale.

Le hiéromartyr Philosoph lui-même, après avoir achevé le séminaire de Novgorod avec les honneurs, décida de continuer son éducation et entra à l'Académie Théologique de Saint-Petersbourg. C'était durant la période où cette école était florissante. A cette époque, la théologie scholastique avait vécu ses derniers jours dans les couloirs des écoles théologiques Russes. Avec le retour à la véritable théologie patristique, basée sur les oeuvres des Saints Pères d'Orient, la période "latine" de la pensée théologique Russe appartenait au passé.

Cela se passait durant les premières années du règne du Tsar Alexandre III, et la période de la plus grande influence du Grand Procureur du Saint-Synode, Constantine P. Pobedonostsev, qui amena le renouveau spirituel à l'Académie de Saint-Petersbourg, et nomma au rectorat et au doyenné des personnes d'appel monastique.

Le recteur de ce temps était l'évêque Arsène (Brantsev), et le doyen, l'archimandrite Antoine (Vadkovsky), qui deviendra le célèbre métropolite de Saint-Petersbourg. Le nouveau doyen était une personne qui avait bon coeur, désireux de s'effacer et pas habitué à regarder ses étudiants avec condescendance ; il était particulièrement distingué par son amour fraternel. Il introduisit une nouvelle direction dans l'Académie - celle de moines érudits. Les étudiants, disposés à devenir moines, s'assemblèrent autour de lui et il encouragea leur attirance vers l'Eglise.

Deux camarades de classe du futur hiéromartyr Philosoph devinrent successivement métropolites : Antoine (Khrapovitsky) et Séraphim (Meshcheryakov), et un des professeurs de l'Académie fut le futur évêque de Tauris, Michael (Gribanovsky), le plus impressionnant penseur théologique de son temps. Il espérait, avec ses étudiants, dans l'éventuelle restauration du patriarcat en Russie.

Cette atmosphère monastique et érudite laissa son empreinte sur l'âme de Philosoph et demeura avec lui toute sa vie durant. En lisant son sermon prononcé à Sarov le jour de la glorification de saint Séraphim, on ne peut pas manquer de remarquer à quel point ce prêtre marié, qui vivait tout le temps dans le monde, connaissait bien toutes les difficultés et subtilités du combat monastique. Il faut alors se souvenir de quelle sorte de vie spirituelle et académique le hiéromartyr avait menée.

Après son ordination, il resta pour servir à Saint-Petersbourg, d'abord comme chapelain d'une école pour garçons et filles appelée "Hôtel du prince Oldenburg", ensuite comme recteur de l'église de l'Office pour la Préparation des Documents d'Etat, bâtie en mémoire de la délivrance miraculeuse du Tsar Alexandre III durant la catastrophe ferroviaire à Borki; cette église était dédiée à saint André de Crète.

En 1912, le métropolite Antoine (Vadkovsky), désirant infuser du jeune sang dans le clergé de la capitale, rompit avec la tradition de la succession par ancienneté dans la position de dirigeant pour les cathédrales, et nomma comme responsable de la cathédrale Kazan (seconde en taille derrière celle de Saint-Isaac) le relativement jeune prêtre p. Philosoph Ornatsky. Les fidèles accueillirent sa nomination avec enthousiasme, car le peuple le connaissait et l'aimait. Son immense talent pour la prédication drainait les foules qui aspiraient aux paroles vivantes. Ce don de Dieu ne demeura pas inaperçu du Tsar-martyr saint Nicolas II; pour le sermon prononcé à Sarov durant la glorification de saint Séraphim de Sarov, le Tsar accorda au p. Philosoph une croix pectorale en or.

Les activités du p. Philosoph ne se limitaient pas seulement aux confins de sa paroisse, mais étaient fort étendues. Il était soit membre soit président de nombre de sociétés religieuses philanthropiques. Il fut le fondateur de la "Société pour la diffusion de l'éducation religieuse et éthique dans l'esprit de l'Eglise Orthodoxe", à laquelle appartiendra le hiéromartyr Benjamin, métropolite de Petrograd, durant ses années comme étudiant. Il fut le président de la "Société de Tempérance", et de la "Société de la Reine des Cieux", et prit aussi une part active dans la construction d'hôtels dans la ville, et fut un membre du Conseil Communal avec droit de vote en tant que représentant de l'Eglise, et fut président de la Commission pour l'éducation populaire et la philanthropie du district Narva, la région où se situait l'Office de la préparation des Documents d'Etat.

Durant les jours troublés de 1905, lorsque le désordre commença à se répandre à travers la ville, et que des émeutiers armés dominaient les rues de la ville, le p. Philosoph conseilla sans crainte à son troupeau de rester fidèle à son souverain et de ne pas prêter attention aux "prêcheurs d'égalité". Il donna ces sermons dans les plus dangereuses parties de la ville - le district Narva. Suite à cela, lorsqu'il fut arrêté, la police secrète qui conduisit son arrestation ne viendra pas de ce district, celui de Kazan, mais des environs de celui de Narva - de toute évidence, la mémoire de ses activités durant la première révolution perdurait.

Durant cette période de rébellion, saint Jean de Cronstadt fut presque, par ses fidèles, expulsé de force hors de Cronstadt en état d'insurrection. Une fois, alors qu'il était à parler avec saint Philosoph dans sa maison, il dit :

"Alors, Philosoph, essaie de te les imaginer! Ils me menèrent hors de Cronstadt, craignant pour ma vie, et à présent ils me dénoncent dans les journaux. Tu es resté et tu les as admonestés, et tu es pareillement dénoncé!"

Saint Jean de Cronstadt avait un grand amour pour le p. Philosoph, et le visitait régulièrement à domicile. "Lorsque le P. Jean venait, se rappelle sa fille Lydia, "nous les enfants nous allions nous aligner dans le petit salon, et il venait auprès de chacun d'entre nous pour donner sa bénédiction, posant sa main sur nos têtes et embrassant nos fronts. Ensuite nous allions tous nous asseoir pour manger en silence. Après le repas, lorsque nous buvions le thé, saint Jean buvait une demi-tasse, puis donnait le restant non-bu à Maman, et elle le partageait dans des petits verres pour donner à chacun d'entre nous. De cette manière il partageait avec nous comme si c'était cette Grâce de Dieu qui demeurait toujours en lui. Après le dîner, il se levait de table et disait habituellement 'Hé bien, Philosoph, viens, raconte- moi...' Mais les conversations ne duraient pas longtemps, parce que saint Jean était toujours attendu quelque part d'autre, et cela lui était rappelé par de dévoués disciples qui l'accompagnaient partout. Une fois, il resta la nuit avec nous. Alors que nous allions au lit, nous l'avons clairement entendu lire un Canon seul dans sa chambre, à voix haute. Et il passa la nuit entière à lire des Canons, ne fermant pas l'oeil."

Avec l'arrivée des Bolcheviks, le p. Philosoph accrut son oeuvre de prédication, servant et apportant des sermons dans les endroits les plus dangereux. Il parlait souvent contre l'abolition de l'éducation religieuse des enfants à l'école. Il ne combattait pas seulement par des mots, mais aussi avec des actions. Les dimanche, il organisait des processions d'église, qui drainaient les gens de plusieurs églises et allaient vers le square en face de la Laure Saint Alexandre Nevsky. Là ils rencontraient la procession venant de la Laure, dirigée par le métropolite Benjamin de Petrograd, qui devait bientôt être assassiné. La dernière procession d'église fut composée de membres de toutes les églises paroissiales de Saint-Petersbourg et de ses environs. La veille, le p. Philosoph avait reçu un ordre de la police secrète décrétant que toutes les processions d'église devraient aller vers la Laure en suivant un parcours spécial indiqué avec précision par la police, qu'il portait l'entièrement responsabilité de cet évènement, et que quiconque dévierait de cette route serait abattu. La situation était plutôt grave, car les transports publics de nombre de places ne fonctionnaient plus, et les communications téléphoniques étaient assez difficiles. Dès lors, informer les gens du changement de route n'était pas une tâche facile. Mais avec l'aide de jeunes gens, tout fut arrangé. L'une après l'autre, chantant des hymnes et portant des bannières, les processions atteignirent leur destination, le square en face de la Laure Alexandre Nevsky. Là, le métropolite Benjamin, avec un grand concours de clergé, servit un Moleben solennel. (Office d'intercession)

C'est durant cette période que la Terreur Rouge commença. Parmi les victimes, on trouva le beau-frère du p. Philosoph, le p. Piotr Skipetrov, assassiné sous les yeux du p. Philosoph. Cependant, toute cette violence ne parvint pas à perturber le ferme esprit du pasteur. L'éditeur du New Times, Suvorin, écrivait à propos de lui :
 

"Vous, p. Philosoph, vous êtes notre seul espoir. Tout autour, tous se taisent."

Et Batiushka continua intrépidement à dénoncer les Bolcheviks du haut de l'ambon à l'église. Il était évident qu'une telle audacieuse prédication ne pourrait pas perdurer, et lui-même nota peu avant sa mort qu'il sentait bien que ses jours étaient comptés.

Par la suite, un ami de Lydia Philosophovna qui était en relation intime avec l'élite Bolchévique, dit dans une conversation privée :

"Pourquoi blamez-vous les Bolcheviks pour le meurtre du p. Philosoph? Ce sont vos prêtres qu'il faut en blâmer. Vvedensky (le futur dirigeant des hérétiques rénovationistes) lui-même recommanda aux Bolcheviks - 'Débarassez-vous du p. Philosoph et du métropolite Benjamin, ils sont à vous."

Il est à noter que Vvedensky trahira par la suite le métropolite Benjamin jusqu'à la mort.

Le 1er juin, jour de la fête de son saint patron, le p. Philosoph reçut la visite du patriarche Tikhon, et les foules étaient si nombreuses que le patriarche et le futur hiéromartyr eurent souvent à sortir sur le balcon pour bénir le peuple.

"Le 20 juillet 1918, la veille de la fête du saint prophète Elie", se souvient Lydia Philosophovna, le p. Philosoph "fut invité à servir la Vigile dans l'église de Saint-Elie à Okhta, qui se trouvait près d'une fabrique de poudre à canon. C'était une des parties les plus rebelles de la ville, et nous ne pouvions pas comprendre pourquoi il avait été invité en un tel endroit. Lorsque le Père rentra à la maison, nous étions assis pour le souper avec mère et mes 3 frères, Boris, Nicolas et Vladimir, de même que la jeune soeur de ma mère, la veuve A.N. Skipetrova.
Soudain, la cloche sonna, et un marin armé et 2 hommes de l'Armée Rouge apparurent à la porte. Le marin ordonna une fouille; elle fut rapide. Ensuite il ordonna à Père de l'accompagner, promettant qu'il reviendrait vite. Mon frère le plus âgé, Nicolas, médecin militaire, offrit d'accompagner notre père. Le marin alors s'adressa à mon second frère, Boris, lui aussi officier, lui disant d'aussi accompagner. Peu après qu'ils aient emmené Père et mes 2 frères les plus âgés, Nicolas et Boris, la police secrète du district de Kazan (de Petrograd) vint pour arrêter Boris. Nous leur avons expliqué que Boris avait déjà été arrêté avec Père, ce qui les surprit beaucoup. Leur regard tomba alors sur mon troisième frère, Vladimir, lui aussi officier, et ils l'arrêtèrent. Ce fut la première nuit que des officiers étaient arrêtés.

"Après avoir attendu jusque 5 heures du matin après leur retour, très troublée, je partis tout d'abord pour le district Narva, où mon père avait passé la plus grande partie de sa vie. Lorsque j'arrivai au commissariat, je rencontrai le commissaire, et lui parla de mon père, le Protopresbytre Philosoph Ornatsky, qui avait été arrêté cette nuit-là avec ses 2 fils, et que la personne qui les avait arrêtés avait dit qu'il ne les emmenait que pour interrogatoire et qu'ils seraient vite de retour à la maison. En réponse à cela, le commissaire me dit qu'il n'avait connaissance d'aucun Ornatsky et qu'ils n'avaient pas été chez lui. Lorsque je lui demandai où regarder, il me dit

"'Allez voir après eux à Cronstadt, aux "Croix", ici ils ne sont pas.'

"Comme je m'apprêtais à partir, je rencontrai le marin qui avait arrêté mon père et mes frères et lui dit :

"'N'est-ce pas vous qui êtes venu chez nous rue Kazan et les avez emmenés pour interrogatoire, disant qu'ils rentreraient peu après? Ils ne sont pas encore rentrés. Où sont-ils à présent?'

"Le marin nia aussi, disant qu'il n'était pas venu chez nous et n'avait arrêté personne. Je quittai le commissariat et marchai, me demandant ce que je pourrais faire. Soudain j'entendis des pas derrière moi et une voix :

"'Soeur Ornatsky, continuez d'avancer, écoutez et ne vous retournez pas. Votre père et vos frères étaient ici, mais ils ont été emmenés pour être fusillés avec d'autres prisonniers, sur une des digues du Golfe de Finlande.'

"Puis j'entendis les pas s'éloigner. Je me retournai et je vis une personne de petite taille, dans un grand manteau de soldat, se hâtant de s'éloigner.

"Après avoir entendu d'aussi terribles nouvelles, je me hâtai vers la maison où mère m'attendait, alarmée par tout ce qui avait circulé comme rumeur. Lorsque je vis son état, je ne trouvai pas le courage de lui rapporter ce que j'avais entendu.

"Le lendemain, je partis voir le métropolite Benjamin, qui me reçut avec beaucoup d'amour. Je lui rapportai tout ce qui s'était passé et il dit :

"'Nous prierons'."

Lorsqu'ils apprirent l'arrestation du p. Philosoph, les paroissiens de la cathédrale de Kazan organisèrent plusieurs délégations, mais les Bolcheviks ne voulurent pas les recevoir. Pour finir un dimanche après la Liturgie, une foule de plusieurs milliers de personnes, en majorité des femmes, chantant des prières, portant bannières et icônes, se déplaça au long de la Perspective Nevsky vers la Rue Gorokh, afin de libérer le p. Philosoph.

Les Bolcheviks reçurent une délégation de la foule et lui donnèrent assurance que le p. Ornatsky serait bientôt relâché, et qu'il se trouvait dans une cellule Rue Gorokh, hors de danger. La foule, pacifiée, se dispersa. Cette même nuit, le hiéromartyr Philosoph fut abattu.

"Nombre de rumeurs concernant le sort de mon père et de mes frères attirèrent sans cesse notre attention, mais aucun mot officiel ne parvint de la Tcheka. Je décidai alors d'écrire une lettre au nom de ma mère, au Tchéquiste Uritsky, faisant appel à son humanité, pour qu'il nous dise toute la vérité sur le sort du Protopresbytre Ornatsky et de ses fils, Nicolas et Boris, faisant remarquer qu'un mois s'était déjà écoulé et que nous n'avions toujours reçut aucune notification les concernant. Ce n'est qu'alors que ma mère reçut une lettre signée par Uritsky, avec la nouvelle que le citoyen Ornatsky avait été abattu parce qu'étant un flagrant contre-révolutionnaire, mais du sort de ses deux fils, il ne savait rien. Une longue Pannichide (service des défunts) fut servie dans la cathédrale Kazan par le métropolite Benjamin, avec le clergé de la cathédrale, le p. Jean, frère du p. Philosoph, et deux jeunes prêtres, les p. Piotr Balykov et Michael Yavorsky, les époux de mes soeurs Marie et Vera, qui par la suite devaient eux aussi être victimes de la Terreur Rouge."

Le protopresbytre Michael Polsky écrit : "L'auteur de ces déclarations, durant ses itinérances à travers la Russie, rencontra une fois un ancien travailleur de la fabrique Obukhov, le serrurier Pavlov. Il était aussi conducteur, et avait transporté le p. Ornatsky avec un grand groupe vers le lieu de l'exécution. Persuadé de parler librement, il dit:

"'Qu'aurais-je pu faire? J'avais à emmener les gens à leur mort - tel était mon enrôlement. Mais je ne savais pas le faire lorsque j'étais sobre. Je n'aurais pas pu refuser de le faire, sinon cela aurait été ma fin. Alors voilà, vous buvez une bouteille d'alcool, le plus fort que vous pouvez avoir, et puis vous les conduisez. Les agents de la Tcheka étaient libres côté alcool; en étant sobre, vous n'auriez pas pu conduire le véhicule pour une telle mission. Je me rappelle fort bien le trajet avec le p. Ornatsky.. Le p. Ornatsky est mort comme un saint. Cette nuit-là, nous avons emmené 32 hommes tirés de plusieurs prisons. On nous a dit que c'était tous des officiers de l'Armée Impériale. Certains étaient jeunes, d'autres âgés. Un d'eux dit qu'il était colonel des gardes, et il maudit fortement les communistes :

"'"Vous crèverez tous, peut-être dans 20 ans, mais vous crèverez comme des chiens. La Russie sera à nouveau la Russie, mais vous, vous crèverez."

"'Les escortes gardaient le silence, écoutant. Le p. Ornatsky tenta d'appaiser le colonel, disant qu'ils allaient tous aller auprès du Seigneur.

"Voici, acceptez ma bénédiction pastorale, et écoutez les saintes prières.

'Et il commença à lire ce qui était approprié - l'office pour les mourants. Il le lisait clairement, d'une voix non-hésitante, et bénit tout le monde."

C'était une nuit noire et pluvieuse. Tous ceux qui avaient été arrêtés commencèrent à prier. La peur s'empara de moi et je retrouvai ma lucidité. J'avais ordre de les amener derrière Ligovo, sur la baie. Nous avons conduit longtemps, et le p. Ornatsky disait sans cesse des prières. Sur le lieu de l'exécution, nous les avons déchargés et alignés. Les agents de la Tcheka, déjà occupés à attendre, approchèrent avec des revolvers, et leur tirèrent à chacun une balle dans la nuque.

"Batiushka fut assommé d'un coup de crosse puis abattu d'une balle dans la tête. Tous les corps furent jetés à la mer. Par la suite, j'ai appris que le corps du p. Ornatsky n'avait pas coulé, mais avait été emmené par les vagues, et jeté sur la rive près d'Orienbaum. Là, disent-ils, il fut secrètement enterré par les habitants.'"

Le récit que Lydia Philosophovna a entendu concorde avec celui du conducteur :

"Un vieux veilleur de nuit vivait sur la digue du Golfe de Finlande. Ce jour-là était le jour de son saint patron. Mon père fut tué en la fête du prophète Elie. Les invités qui étaient arrivés avaient entendu dans la nuit que quelqu'un avait été amené; ils entendirent mentionner le nom Ornatsky, et entendirent comment Père chantait les versets funéraires pour ceux qui étaient tués avant lui. 

"Un jour, une inconnue nous a téléphoné pour nous dire qu'elle avait vu un corps ressemblant à mon père dans une morgue, sur la rive du Golfe de Finlande. Je partis pour voir moi-même, mais le veilleur me dit que tous les corps rejetés par les vagues étaient aussitôt enterrés."

Lydia Philosophovna avait un frère plus jeune, Sergius, auquel les Bolcheviks ne firent pas de mal. Il était le filleul de saint Jean de Cronstadt. Il était né très affaibli, et ses parents, craignant pour sa vie, avaient demandé que saint Jean soit son parrain. Il resta en arrière en Russie Soviétique. Peu après que Lydia Philosophovna ait réussi à franchir la frontière, elle eu ce remarquable rêve. Elle vit trois garçons courrant et s'ébattant dans une verte prairie. Quelque part, il lui parut évident qu'il s'agissait de ses frères. Un char de feu, comme celui habituellement dépeint sur les icônes de "l'Ascension du prophète Elie aux Cieux", descendit soudain des cieux, et s'y trouvait le hiéromartyr Philosoph. Il emmena un des frères avec lui, et retourna d'où il était venu. Peu après, des nouvelles vinrent de Russie, que son frère Sergius était entré dans le repos...