SAINTE THEOPHANIE
DE NOTRE SEIGNEUR DIEU ET SAUVEUR JESUS CHRIST |
Au terme de trente années
de vie cachée, pendant lesquelles, passant par tous les stades de
la vie d'un homme ordinaire, Il avait montré en sa conduite le modèle
de l'humilité, de l'obéissance à ses parents et de
la soumission à la Loi, Notre Seigneur Jésus-Christ inaugura
son ministère public et la marche qui allait le mener jusqu'à
Sa Passion, par une révélation éclatante de Sa divinité.
Le Père et le Saint-Esprit rendirent alors témoignage que
Jésus est vraiment le Fils Unique de Dieu, consubstantiel au Père,
la Seconde Personne de la Sainte Trinité, le Verbe incarné
pour notre salut, le Sauveur annoncé par les Prophètes, et
qu'en Sa Personne la Divinité S'est unie sans mélange à
notre humanité et l'a faite resplendir de Sa gloire. C'est pourquoi
cette Fête du Baptême du Christ a été appelée
Epiphanie («manifestation») ou Théophanie: c'est-à-dire
manifestation de la Divinité du Christ et première claire
révélation du Mystère de la Sainte Trinité.
De Galilée (Nazareth), Jésus se rendit alors en Judée, sur les rives du Jourdain1, là où Saint Jean Baptiste, sorti du désert après trente années de préparation dans l'ascèse, la mortification de la chair et la prière, avait coutume de prêcher le repentir et de baptiser dans les eaux du fleuve les Juifs qui venaient en foule, attirés par sa renommée de juste et de grand Prophète de Dieu. Supérieur aux ablutions et lustrations prescrites par la Loi pour la purification des souillures corporelles (Lévitique 15), le baptême de Jean n'en accordait pas pour autant la rémission des péchés -celle-ci ne devant être obtenue que par la Croix et le Sacrifice du Christ-; mais, con damnant leur conduite impie et leurs transgressions par le rappel de la proximité du Jugement divin, le plus grand parmi les enfants nés de la femme (Mat. 11:11) les amenait à la connaissance de leurs péchés, au désir du repentir et préparait les coeurs à rechercher Celui dont il avait été institué le Précurseur. «Moi je vous baptise dans l'eau, disait-il, en vue du repentir, mais Celui qui vient derrière moi est plus grand que moi et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales (c'est-à-dire d'expliquer le Mystère de l'union de la Divinité et de l'humanité); Lui va baptiser dans le Saint-Esprit et le feu» (Mat. 3:11-12; Luc 3:16; Marc 1:8). Perdu dans la foule de ceux qui confessaient leurs péchés et se plongeaient dans l'eau, Jésus s'avança alors vers Jean et lui demanda de recevoir le Baptême. Dans son amour infini des hommes le Fils de Dieu ne se contentait pas en effet de revêtir notre chair mortelle, mais Lui, l'Innocent, l'Agneau de Dieu sans tâche, assumait même la condition de pécheur. Celui qui, dès le ventre de sa mère, L'avait reconnu comme le Messie en sursautant de joie (Luc 1:41), se mit à trembler d'effroi devant une telle audace: Comment le serviteur oserait-il purifier dans l'eau le Roi de l'univers? Comment la créature, l'argile, aurait-elle l'audace d'approcher le Verbe incarné sans crainte d'être brûlée par la divinité comme la paille par le feu? Moïse et les plus grands des Prophètes ne l'avaient-ils pas aperçu que de loin (Exode 33:20-23) ou sous forme de figures et de symboles? Comment oserait-il porter la main sur la tête inclinée de son Créateur pour la plonger dans l'eau? Jésus lui dit: «Laisse faire pour l'instant, car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice» (Mat. 3:15). De même qu'au seuil de Sa Passion Il intima l'ordre à Pierre de se laisser laver les pieds par Lui (voir Jean 13:6-9), de même aujourd'hui le Christ repousse la crainte tout humaine du serviteur effrayé devant un tel abaissement de la Divinité et annonce ainsi que, par Son Incarnation, Il est venu non seulement pour accomplir les préceptes de la Loi, mais pour introduire une justice nouvelle et plus parfaite: celle de l'humilité, du sacrifice volontaire et de la charité. Jean, le représentant de l'Ancienne Alliance, se soumit à l'ordre du Seigneur et devint ainsi le ministre de cet acte inaugural de la Nouvelle Alliance. Pur et innocent de tout péché, et par conséquent de la honte d'Adam (voir Genèse 3:7-11), le Christ, nouvel Adam, descendit nu dans ce tombeau liquide, en signe de Sa prochaine descente dans les ténèbres de la mort et de Son séjour au tombeau. Il Se plonge dans les eaux et, conformément aux prédictions des Prophètes, foule aux pieds la puissance de Satan qui avait établi sa retraite dans leurs profondeurs (Ps 73:13 : Il écrasa dans les eaux la tête des dragons), puis remonte en vainqueur, annonçant ainsi Sa Résurrection le troisième jour et le relèvement de l'humanité lavée de sa faute. Les cieux, fermés par la chute du premier homme, s'ouvrirent alors au-dessus de Lui et la voix du Père venue d'en-haut lui porta témoignage devant tous: « Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, qui a toute Ma faveur» (Mat. 3:17). Le Saint-Esprit joignit lui aussi son témoignage, en apparaissant sous forme d'une colombe blanche - symbole de paix, de douceur et de réconciliation entre Dieu et les hommes (voir au déluge: Gen. 8)ó, et désigna, comme un «doigt de Dieu», que cet homme nu était le Fils unique du Père incarné et que c'était bien Lui, et non pas Jean, comme le pensaient bien des Juifs, le Sauveur promis par Dieu. Par Son Baptême dans le Jourdain, le Christ annonçait à l'avance qu'Il allait délivrer l'humanité de la mort et l'amener à la connaissance de la Sainte Trinité par Sa mort et Sa Résurrection. De nombreuses fois auparavant Dieu s'était en effet révélé par des prodiges, des miracles, des signes, dans des songes et des visions, par l'intermédiaire des Anges, dans des messages inspirés à ses serviteurs les Prophètes ou par ses interventions providentielles dans l'histoire d'Israël pour éduquer, châtier ou consoler son peuple rebelle toujours porté à l'idolâtrie et au polythéisme. Cest pourquoi Il leur manifestait alors avec puissance Son UNITE. «Je suis Celui qui est», dit-il à Moïse dans le buisson (Exode 3:14); et lorsqu'Il se révéla dans le feu au Sinaï «Ecoute Israël: le Seigneur ton Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force» (Deut. 6:4; Mat. 22:37). Mais aujourd'hui le Père et le Saint Esprit joignent leur témoignage pour attester que cet homme remontant des eaux est le Fils unique et Verbe de Dieu qui, par son Incarnation, nous a révélé la Gloire de Dieu et nous a fait connaître que l'Unique Nature Divine est ineffablement partagée, sans toutefois être divisée, par le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Père est Dieu, le Fils est Dieu et le Saint-Esprit est Dieu: non pas trois dieux, mais trois Personnes (hypostases) en une seule nature (essence). Ils sont comme trois soleils ou trois luminaires, unis sans être confondus dans leur unique lumière. Mystère des mystères, inaccessible à la pensée humaine et à la contemplation des anges, que le Seigneur Jésus-Christ, par Son baptême au Jourdain et Son «baptême» dans la mort, nous a non seulement fait connaître extérieurement, mais dont Il nous a rendus participants. «Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous, et nous avons contemplé Sa gloire, gloire qu'Il tient de Son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jean 1:14). Remontant vers Dieu, après Sa Résurrection des morts, pour siéger avec Son corps à la droite du Père, Il a définitivement ouvert les cieux pour la nature humaine tout entière et la rendue capable de participer, par la Grâce du Saint-Esprit, à la gloire et à la lumière commune et éternelle de la Sainte Trinité. Certains rapportent que cet éclat de la gloire de Dieu, cette lumière plus lumineuse que toute lumière de ce monde, devint sensible au moment du Baptême du Christ, comme elle apparut le jour de la Transfiguration au Thabor (voir le 6 août), car c'est en effet dans la lumière resplendissante de l'humanité divinisée du Christ que nous sommes initiés à la Lumière de la Sainte Trinité. « Verbe lumineux que le Père a envoyé pour dissiper les ombres funestes de la nuit, Tu viens aussi déraciner le péché des mortels et faire surgir, par Ton Baptême, des eaux du Jourdain des fils de lumière» (4e ode du second canon des Matines). C'est pourquoi la Fête de la Théophanie est aussi appelée Fête des lumières. Cette première révélation de Dieu comme Trinité (Tri-Unité) est aussi la manifestation de la vocation ultime de l'homme, appelé à devenir fils adoptif de Dieu, oint («christ») du Saint-Esprit et participant de la triple Lumière par sa configuration au Christ dans le mystère du Saint Baptême, inauguré aujourd'hui. Dieu avait annoncé par avance à Jean que son baptême de repentir devait prendre fin le jour du Baptême du Christ: « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est Lui qui baptise dans l'Esprit Saint» (Jn. 2:34). Le baptême de Jean prend donc fin en ce jour pour laisser la place au Baptême qui sera -conféré par les Apôtres «au nom de Jésus-Christ» (Actes 2:38), et qui a désormais le pouvoir de pardonner les péchés et de communiquer le Saint-Esprit. En se plongeant dans les eaux, devenues par la prière de l'Eglise identiques aux eaux du Jourdain, les néophytes entrent dans l'Eglise de la même manière que le Seigneur a commencé sa vie publique; mais plus encore, imitant Sa mort et Sa descente au tombeau et devenant ainsi participants de Sa Résurrection, ils sont «revêtus du Christ» (Galates 3:27) et initiés à une vie nouvelle dans la lumière de l'Esprit Saint: «Baptisés dans le Christ Jésus c'est dans Sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec Lui par le Baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi d'une vie nouvelle» (Romains 6:3-4). De même que Moïse, figure du Christ, avait fait ouvrir en deux les flots de la mer Rouge en les frappant de son bâton, comme d'une croix, et, après la traversée du peuple à pied sec, avait fait revenir les eaux à leur état naturel, en engloutissant Pharaon et son armée (Exode 14); de même, lorsque Jésus descendit dans les eaux du Jourdain, celles-ci ne purent supporter le feu de Sa Divinité et, selon les prophéties, «retournèrent en arrière» (Ps. 113, 3): c'est-à-dire renversèrent les lois de la nature corrompue à la suite du péché d'Adam. Porteuses de mort et de corruption, séjour des esprits impurs, lors de la descente en elles du Soleil de Justice, les eaux devinrent porteuses de lumière et de purification des péchés2. «Le Christ se manifeste au Jourdain pour sanctifier les eaux et le monde». En relevant avec lui l'humanité assise dans les ténèbres de la mort et en l'amenant à la connaissance de la lumière de la Trinité, le Seigneur bouleverse et transforme aujourd'hui en profondeur les lois du monde sensible et du cosmos. Comme les Prophètes l'avaient annoncé, recréé et pénétré de Lumière dans le Mystère du Christ, le monde sensible, que symbolise le Jourdain, devient participant du salut et de la joie de l'humanité recréée par le Saint-Esprit. «La terre du Jourdain se couvrira d'abondantes fleurs et jubilera de joie (...) et mon peuple verra la gloire du Seigneur, la magnificence de Dieu» (Isaïe 35:12). « Vous tous qui êtes altérés, venez à la source des eaux (...) Car voici ce que dit le Seigneur tout-puissant: Vous puiserez de l'eau avec joie aux sources du salut, et vous direz ce jour-là: Chantez le Seigneur, proclamez Son Nom, annoncez Sa gloire parmi les nations, rappelez que Son Nom est sublime (...)» (Isaïe 55). Devenue à nouveau eau vive (Jn. 4:10), bain de la nouvelle naissance, l'eau que nous sanctifions avant chaque Baptême, le jour de la fête de la Théophanie et en de nombreuses autres circonstances, en y plongeant la Croix et en invoquant le Saint-Esprit, acquiert un divin pouvoir de guérison et de purification des âmes et des corps. L'eau ainsi sanctifiée devient porteuse de la puissance de la Rédemption, de la Grâce du Christ, de la bénédiction du Jourdain, elle est «source d'incorruptibilité, don de sanctification, rémission des péchés, guérison des maladies, défaite des démons... » (prière de St Sophrone pour la sanctification des eaux). C'est pourquoi, après en avoir été aspergés dans l'église, les fidèles boivent aujourd'hui de cette eau et en emplissent des flacons qu'ils emportent chez eux pour en asperger maisons, champs, objets de la vie quotidienne... Demeurant miraculeusement incorruptibles pendant des mois et mêmes des années, les Eaux de la Théophanie, et toute eau sanctifiée par l'Eglise, pourront donc être utilisées en toute circonstance pour parachever le renouvellement et la sanctification du monde, et faire de toute la vie des Chrétiens une perpétuelle Théophanie, une révélation de la lumière de la Gloire de Dieu. 1. A Béthanie, à 7 ou 8 km de
la mer Morte.
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