Loin de moi l'idée de faire du prosélytisme !  J'aime BEAUCOUP les toiles d'lya REPINE, pas toutes mais disons 99%.....Et devant celles qui ne me titillent pas les neurones, je m'incline respectueusement devant la maîtrise de la technique.

Ilya ("Je peux t'appeler par ton p'tit nom? Merci...") est un paradoxe vivant : dans un sujet très classique il ne pourra s'empêcher d'y inclure le détail grinçant, émouvant et crûment réaliste, peintre partagé entre le conventionnel et la révolte.

Il peint des événements historiques "Yvan IV et son fils..", "Les cosaques...", qui sont pour l'époque "politiquement corrects" flattant le sentiment de fierté nationale,  mais il ose peindre aussi des révolutionnaires en pleine réunion, un condamné refusant la confession et le retour d'un prisonnier politique.  La toile des "révolutionnaires" date de 1883 : deux ans avant Alexandre II a été assassiné, et un an plus tard, en 1884 c'est le retour d'un statut réactionnaire des universités. Ilya a le grade d'académicien depuis déjà sept années et a acquis une renommée certaine. Sa façon de fronder toute personnelle? En fait je crois que c'est le côté romantique et héroïque du révolutionnaire qui l'attire. Peut-être font-ils ce que lui n'a jamais osé faire totalement?
Agrandir "Le refus de la confession"  et voir un magnifique  portrait "L'étudiant nihiliste" : Clic !
 

Ses portraits de la bonne société sont conformes à la tradition et aux bonnes moeurs de l'époque :  on s'endort un peu en compulsant cette longue galerie...et tout à coup on se retrouve face à la trogne avinée de Moussorgski ou devant les pieds nus de Tolstoï...

Pour distiller toutes ces contradictions, Ilya a un sens du détail à faire pâlir Scherlock (Holmes) . 
 

Regardez dans le tableau "Les cosaques Zaporogues ...
L'ambiance est vraiment à la farce chez ces guerriers téméraires qui vont sans doute se faire massacrer, et voilà  LE détail : même leur chien (ou un loup apprivoisé?) a l'air farouche, prêt à  en découdre avec le sultan lui-même !
Pourtant,  plus je vois le regard de ce chien, plus j'hésite entre  : "Ouais! J'suis d'accord avec vous!" et   "Si ces braillards se taisaient, j'pourrais dormir!".....
Moins drôle, mais avec autant de souci de la vérité le tableau représentant l'ex-régente Sophie, enfermée au couvent pendant que Pierre le Grand massacre les streltsy. Le taquin  avait fait (aussi) pendre autour de ses fenêtres quelques uns de ses petits camarades de complot... 
Le peintre aurait très bien pu édulcorer la scène :  après tout on y voit déjà une Sophie retenant sa colère et ruminant déjà sa vengeance prochaine. 

Et il suffit de regarder par la fenêtre.......


"La régente Sophie en 1698"
- tableau de 1879 -
201,8 cm x 145,3 cm
Galerie Trétiakov à Moscou
Encore plus curieuse est cette toile (le sujet en lui-même est vraiment nouveau!) montrant la salle d'opération du chirurgien Pavlov : certes le maillet n'est pas là pour rassurer, mais on découvre sur le mur à droite un étagère portant une icône! 

LA toile du moment :
intitulée en français  "On ne l'attendait plus

commencée en 1883 mais terminée en 1888 (encore une en pleine fronde?) . 

Je dis "LA" toile car elle a un succès fou ces dernières années pour cause de re-découverte. 
Traînant dans les réserves du Musée Trétiakov, oubliée et poussiéreuse, un conservateur se prit les pieds dedans un beau jour de 1990 et décida que c'était une oeuvre magnifique mais injustement méconnue.

Ce n'est pas, à mon humble avis, sa meilleure peinture mais il est vrai que la scène décrit une telle tension silencieuse...Tous ces regards qui s'entrecroisent sont aussi compliqués à suivre que dans une Trinité de Roublev! (Tiens, au fait REPINE a commencé sa carrière chez un peintre d'icône!) Même les servantes à l'arrière-plan ont quelque chose à dire. 

L'hypothèse des critiques : ce serait la représentation du retour d'un de ces jeunes gens arrêtés dans les années 1870/80 après l'assassinat d'Alexandre II. On libéra de leur exil ou de leurs prisons,  certains d'entre eux après le couronnement d'Alexandre III en 1883. Ilya pensait-il en achevant sa toile au retour de Sibérie de celui qu'il qualifiait de "personnalité géniale" : Tchernychevski?

Regardez simplement le regard qu'échangent les deux personnages centraux : un fils et sa mère? Un époux et sa femme? Est-ce le père des enfants? Qui est la jeune femme qui s'interrompt de jouer du piano? La soeur, l'épouse, la fille? 
 
 

Et toujours les détails à la REPINE : on voit sur le mur à droite  une photo encadrée d'Alexandre II sur son lit de mort.. .
Cette image était alors très répandue dans les foyers russes. A côté une carte de géographie (Bon, d'accord on ne la voit pas bien ici, mais je vous assure qu'elle existe bien!). Sur la table devant laquelle sont assis les enfants (les pieds de la fillette ne touchent pas terre) des encriers, des portes-plumes, une ardoise, des livres et des feuilles de papier. Sur le piano également des livres et des partitions. Nous sommes dans une salle d'étude dont les portes-fenêtres s'ouvrent sur la véranda......Retour des beaux jours et de l'exilé.

 

En "BONUS" : une de mes toiles préférées......clic !



 
 

©Marie-A Deriglazoff - 2004 -