En 1698, à 26 ansPierre, qui a déjà depuis longtemps ce projet en tête, forme "La Grande Ambassade" sous la direction de Lefort, et part incognito pour la Hollande, l'Angleterre et l'Italie. Il est a Vienne lorsqu'il  reçoit un message alarmant de Russie : les streltsy se sont mutinés et marchent sur Moscou.

Déjà muselés par Pierre en 1697 et envoyés garder les frontières du pays, un des corps de cette armée d'archers-mousquetiers refuse d'être déplacé d'Azov, sur la Mer Noire, aux frontières polonaises. Sophie, soeur du tsar et ex-régente, les soutient car du fond de son couvent elle n'a pas perdu espoir de renverser son demi-frère et entretient l'idée d'un coup d'état contre cet "impie révolutionnaire"!
Les streltsy pourtant sont arrêtés par le général Cheïne le 17 juin 1698 et les survivants jugés et exécutés. 
Le prince Romodanovski avertit le tsar quetout est rentré dans l'ordre, mais il reçoit en retour cette lettre de Pierre : 
" Vous m'informez de la sédition des streltsy et dites que les soldats de l'armée régulière sont obéissants à votre gouvernement et fidèles au drapeau. Nous nous en réjouissons, mais je suis affligé et fâché à ton sujet! Pourquoi n'as-tu pas fait faire une enquête? Que Dieu te juge! [...]D'oùviennent ces peurs de femmes? [...] Je n'attends rien de bon de pareille couardise."
Au mois d'août 1698, Pierre de retour ne supporte pas ce "laxisme".  

Sous l'emprise des cauchemars de son enfance (voir "Le Perron Rouge"), il veut extirper définitivement de la Russie ce noyau de révolte perpétuelle et si possible faire un exemple pour toute tentative de rébellion future, d'où qu'elle vienne.
Il fait installer à Préobrajenskoïé quatorze chambres de tortures où seront suppliciés les streltsy (gradés ou hommes de troupe) mais aussi des membres de famillesde boyards ayant soutenus leur insurrection.

Seront également accusées Sophie et ses soeurs comme Marfa qui reconnaîtra avoir servi d'agent de liaison entre Sophie et les commandants des streltsy. Car en dépit de sa "réclusion" au couvent Novodïévitchi, l'ex-régente, bénéficie d'un train de vie fort agréable et, avec ungrande sens de l'hospitalité, reçoit des veuves de streltsy devenues mendiantes dans l'enceinte du couvent. Malgré toutes ces insupportables tortures (le lieutenant-colonel Korpanoff se tranchera lui-même la gorge pour y échapper) les résultats de l'enquête sont bien maigres. Qu'importe. Pierre a l'âme désormais endurcie et le 30 septembre 1698 il fait office de bourreau en décapitant lui-même, devant sa demeure de Préobrajenskoïé, cinq condamnés sur les 200 que l'on emmène à Moscou. Le patriarche Adrien, portant une icône miraculeuse, venu demander grâce, s'entendit répondre : " Pourquoi cette icône? Est-ce ton affaire de venir ici? Va-t'en au plus vite et remets cette icône à sa place! Je vénère la Sainte Mère plus que toi! J'accomplis ici mon devoir et fais unacte qui plaît à Dieu lorque je défends le peuple etque j'exécute les criminels qui trament contre lui." Ci-contre : "La régente Sophie pendant l'exécution des streltsy" par Ilya Repine - XIXe (détail)

On couchera les hommes par rangs de cinquante sur des troncs d'arbres faisant office de billots.
Le 11 octobre, il y aura 144exécutions. Tous les jours jusqu'au 19 du mois on comptera unecentaine de décapitations par jour. Deux cent streltsy serontpendus devant les fenêtres de Sophie et leurs corps y resteront sixmois.
Pierre participera à lahache à cette extermination et exigera de ses proches le mêmezèle : ainsi Golitsine, Menchikoff et Romodanovski seront eux-mêmesdes bourreaux. Seuls  François Lefort et Blomberg (coloneld'un régiment streltsy) refuseront d'y participer.

Voltaire ne commettra pas l'indélicatesse de mentionner le fait dans son "Histoire de Pierre le Grand" mais il écrira dans "Histoire de Charles XII" :
" Pierre Ier a, des ses propres mains, été l'exécuteur des sentences sur des criminels. Il a fait valoir son adresse à couper des têtes."
Partout dans l'empire oncontinue de traquer, d'interroger et d'exécuter ces hommes. Lessupplices recommenceront à Moscou en janvier 1699. On installe surla Place Rouge une estrade (Lobnoïé Miesto) sur laquellesont exposées sur des piques les têtes des condamnés.Les cadavres devenus trop encombrants sur la Place, seront entassésdans des champs proches, sans sépultures.

Il semble que Pierre-l'homme se soit vengé une fois pour toute, puis le tsar-chef des arméesreprend le pas sur l'enfant terrifié de 1682 :  le 20 janvier1699, Pierre Ier rend à de nouvelles recrues streltsy leur organisation et leur nom. 
Ils se battront avec vaillance à la bataille de Narva en 1700, ainsi qu'en 1704 toujours contreles suédois. Mais en 1705 à Astrakhan, le restant des révoltés, sera définitivement anéantis, pour la plus grande tranquillité du tsar.