Année 6492. Vladimir marcha contre les Radimitches. Il avait pourgénéral Voltchy Khvost (queue de loup), et Vladimir l'envoyaen avant. Voltchy Khvost rencontra et battit les Radimitches sur la rivièrePiestchana. Aussi les Russes se moquent-ils des Radimitches, disant : lesPiestchaniens s'enfuient devant une queue de loup. Or les Radimitches, quiétaient de la race des Lekhs, s'étaient établis dansces contrées et ils paient tribut aux Russes; aujourd'hui encoreils nous voiturent un chariot. Année 6493. Vladimir partit contre les Bulgares avec Dobrynia son oncle; ils étaient sur des bateaux et Vladimir fit venir par terre des Torks à cheval et il vainquit les Bulgares. Dobrynia dit à Vladimir: “J'ai vu les prisonniers; ils ont tous des bottes; ils ne nous paieront pas tribut; allons chercher des ennemis chaussés d'écorce.” Et Vladimir conclut la paix avec les Bulgares; les deux partis la jurèrent et les Bulgares dirent : “La paix sera rompue entre nous quand les pierres nageront, quand le houblon coulera au fond de l'eau.” Et Vladimir revint à Kiev. Année 6494. Il vint des Bulgares de la foi mahométane disant : “Prince, tues sage et prudent et tu n'as point de religion. Prends notre religion etrends hommage à Mahomet.” Et Vladimir dit : “Quelle est votre foi?” Ils dirent : “Nous croyons en Dieu, et Mahomet nous apprend à circoncire les membres honteux, à ne point manger de porc, à ne point boire de vin et à faire débauche après la mort avec des femmes. Mahomet donne à chaque homme soixante-dix belles femmes: il en choisit une belle; il rassemble sur elle la beauté de toutes les autres et elle devient sa femme. Et là on peut, dit-il, se livrer à toute espèce de débauche. Celui qui est pauvre en ce monde le sera dans l'autre.” Et une foule de mensonges pareils que la honte m'empêche de reproduire . Vladimir les écouta, car il aimait les femmes et la débauche; il les écouta avec plaisir; seulement ce qui lui déplaisait, c'était la circoncision et l'abstinence de porc et de vin. Il répondit : “Boire est une joie pour les Russes et nous ne pouvons vivre sans boire.” Puis vinrent des Niemtsj de Rome disant : “Nous sommes venus envoyés par le Pape. ”Et ils parlèrent ainsi : “Le Pape nous a ordonné de te dire: Ton pays est comme notre pays; mais votre foi n'est pas comme notre foi car notre foi est la lumière; nous adorons le Dieu qui a fait le ciel et la terre, les étoiles, la lune et toutes les créatures et vos Dieux sont de bois.” Vladimir dit : “Quels sont vos commandements? — Jeûner suivant ses forces; manger ou boire toujours à la plus grande gloire de Dieu; c'est ce que dit notre maître Paul.” Vladimir dit aux Allemands: “Allez-vous en, car nos aïeux n'ont point admis cela.” Ayant appris ces choses des Juifs Kozares vinrent et dirent :”Nous avons appris que des Bulgares et des Chrétiens sont venus pour vous enseigner leur foi. Les Chrétiens croient en celui que nous avons crucifié; pour nous, nous croyons en un Dieu unique, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.” Et Vladimir dit : “Quelles sont vos observances?” Il répondit : “La circoncision, l'abstinence de la chair de porc et de lièvre, lacélébration du sabbat.” Il leur dit : “Et où est votre pays?” Ils répliquèrent : “A Jérusalem.” Il leur dit : “Est-ce que vous y habitez maintenant?” Ils répondirent : “Dieu s'est irrité contre nos pères et il nous a dispersés par le monde pour nos péchés, et notre pays a été livré aux Chrétiens.” Il leur dit : “Et comment enseignez-vous les autres étant vous-même rejetés de Dieu et dispersés par lui ? Si Dieu vous aimait vous et votre loi, vous ne seriez pas dispersés dans les pays étrangers; voulez-vous que ce mal nous arrive aussi?” Ensuite les Grecs envoyèrent un philosophe à Vladimir, disant : “Nous avons appris que des Bulgares sont venus pour vous inviter à recevoir leur foi, cette foi qui souille le ciel et la terre; ils sont maudits plus que toute nation, semblables à Sodome et à Gomorrhe sur lesquelles le Seigneur a laissé tomber des pierres brûlantes et qu'il a englouties et submergées. Aussi à ces gens est réservée la ruine quand le Seigneur viendra juger la terre et perdre tous ceux qui ont commis l'injustice et l'abomination; car ils lavent leurs excréments, se mettent cette eau dans leur bouche, l'avalent et en oignent leur barbe en souvenir de Mahomet. Leurs femmes font des choses aussi infâmeset encore pires.” Quand Vladimir entendit cela, il cracha par terre en disant : “C'est une abomination.” Le philosophe dit : “Nous avons appris que des gens sont venus de Rome pour vous enseigner leur foi. Or il n'y a pas une grande différence entre leur foi et la nôtre. Dans le service divin ils se servent d'hosties que Dieu ne leur a pas données, car il a ordonné de se servir de pain et il en a donné aux Apôtres. Après avoir pris le pain il a dit : “Prenez et mangez: c'est mon corps rompu pour vous.”Et de même ayant pris le calice, il a dit : “Prenez-en tous voici mon sang, le sang du Nouveau Testament répandu pour vous et pour beaucoup, pour la rémission des péchés.” Or ils ne font pas cela et ils altèrent la foi. Vladimir leur dit : “Des Juifs sont venus àmoi et ils m'ont dit : “Les Allemands et les Grecs croient en celui que nousavons crucifié.” Le philosophe répondit : “Il est vrai que nous croyons en lui;car des prophètes ont prédit qu'un Dieu naîtra, et d'autres qu'il sera crucifié, enseveli, qu'il ressuscitera le troisième jour et montera aux cieux. Ils ont tué ces prophètes ou les ont sciés en deux. Et quand le temps prédit est arrivé, il est venu au monde, il s'est fait crucifier, il est ressuscité et il est monté au ciel. Il a attendu quarante-six ans qu'ils se repentissent, et ils ne se sont pas repentis. Il a donc envoyé contre eux les Romains qui ont détruit leurs villes et les ont dispersés par le monde où ils servent les étrangers.” Vladimir demanda: “Et pourquoi Dieu est-il descendu sur la terre, et a-t-il supporté un tel martyre?” Le philosophe répondit : “Si tu veux m'écouter, je te dirai à partir du commencement pourquoi Dieu est descendu sur la terre.” Vladimir dit : “Je t'écouterai volontiers.” Et le philosophe se mit à parler ainsi: “Au commencement Dieu le premier jour créa le ciel et la terre….” |