Saint Andreï Roublev 
 
 

17/07 - 04/07
 


 
 
L'homme lui-même reste très effacé. on ne sait pas où il est né et l'on situe approximativement la date de sa naissance entre 1360 et 1370. On sait qu'il fut moine au monastère Saint-Andronic à Moscou. Toutefois le début de son activité est lié au premier essor du monastère de la Trinité fondé par Saint Serge de Radonège. Sans doute a-t-il fait son apprentissage dans l'atelier d'icônes de ce monastère, car il est souvent appelé «l'iconographe de Radonège ». Les «Récits sur les saints iconographes» mentionnent: «Le saint Père André de Radonège, iconographe surnommé Roublev, peignit un grand nombre d'icônes, toutes miraculeuses...»

Roublev vécut à une époque tumultueuse de l'histoire russe. La victoire sur les Tartares, en 1380, à Koulikovo, avait exalté les forces du peuple russe qui désormais pouvait espérer sa libération définitive. C'est l'époque des progrès décisifs de l'unité autour de Moscou, et d'un grand essor de la conscience nationale. Et c'est en même temps l'âge d'or de la sainteté russe, le moment où le monachisme, sans toutes ses formes, connaît une éclatante renaissance, où la culture et l'art s'épanouissent autour des monastères. En un mot, c'est l'époque de Saint Serge de Radonège, car elle est réellement illuminée par la sainteté particulière de Serge, par son style personnel de spiritualité. On pourrait définir celle- ci comme la forme russe du grand courant mystique orthodoxe connu sous le nom d'hésychasme. 

Saint Serge mourut le 25 septembre 1392. Il laissait dans l'Eglise russe un grand nombre de disciples. André Roublev était son contemporain plus jeune et sans doute le connut-il personnellement. En tout cas il vécut constamment au contact des disciples directs du grand saint, de ceux qui continuaient son ouvre et mettaient en pratique jusqu'au bout ses enseignements: l'humilité, l'amour, le désintéressement et la solitude contemplative orientée vers la purification de l'esprit et l'union avec Dieu dans la prière perpétuelle. Au centre de cette spiritualité est l'amour -inséparablement vertu de l'homme et participation à la grâce incréée -, l'amour pour Dieu et pour le prochain. Dans les sources les plus anciennes, André Roublev et son ami plus âgé, son «compagnon de jeûne» Daniel surnommé «le Noir», avec qui il collaborait, sont caractérisés comme «des hommes parfaits en vertu»; Roublev est décrit comme très humble, «plein de joie et de clarté». Et tout son art est à l'image de cette humilité, tout son art est plein de joie et de clarté. Sa peinture est d'une extraordinaire profondeur de contenu, mais, en même temps, elle est comme enfantine à force de joie, de légèreté, de paix que rien ne trouble, de ferveur.

C'est en 1405 que les chroniques mentionnent pour la première fois le nom de Roublev quand fut décorée la cathédrale de l'Annonciation au Kremlin de Moscou. Il y participe, au sein d'une équipe de peintres que dirige le célèbre Théophane le Grec. Cependant malgré l'immense influence de celui-ci sur l'art russe de l'époque, malgré son autorité incontestée et méritée, Roublev suivit sa voie propre, inspirée par l'entourage spirituel de Saint Serge. Au contraire de Théophane, dont le coloris est comme  «assourdi», les couleurs de Roublev sont lumineuses, joyeuses et claires. Il a plus de légèreté, de souplesse, de chaleur. L'accent chez lui, ne porte pas sur le pesant labeur de la vie ascétique, mais sur la joie dont la grâce vient le couronner. «Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cour, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger» : tel est le principe de la vie et de l'art de Roublev, dont son ouvre porte témoignage.

Les jours de fête, lorsqu'ils ne peignaient pas, Roublev et son ami Daniel «s'asseyaient devant les vénérables et divines icônes; et regardant celles-ci sans distraction..., ils élevaient constamment leur esprit et leur pensée dans la lumière immatérielle et divine». Cette lumière, à la contemplation de laquelle il s'ouvrait, Roublev sut la manifester et la transmettre dans son art, tout particulièrement et avec une force incomparable dans son icône de la Trinité.

Par ailleurs, en étudiant d'anciennes icônes, il retrouva avec une grande perspicacité esthétique, à travers l'héritage byzantin, les fondements mêmes de l'art antique. 

En 1408, André Roublev décore avec Daniel la cathédrale de l'Assomption à Vladimir. Peu après 1422, le disciple bien-aimé de Saint Serge, l'higoumène Nikon, l'invite au monastère de la Trinité Saint Serge- pour décorer la nouvelle église de la Trinité construite pour remplacer l'église primitive brûlée par les Tartares. André passa surtout de longues années au monastère Saint-Andronic, fondé par le métropolite de Moscou Saint Alexis. Dans les années 20 du xve siècle, il y participe à l'édification de l'église de la Transfiguration, s'intéressant aux plans, contribuant aux frais de construction. C'est là qu'il meurt le 9 janvier 1430. On ne connaît plus le lieu où il fut enseveli. Sa pierre tombale existait encore au XVIIIe siècle, puis elle disparut.

Dans l'art liturgique de l'Eglise orthodoxe, l'ouvre de Roublev manifeste par l'image la sainteté et l'héritage spirituel de Saint Serge de Radonège, cette pacification intime qui lui était propre et s'étendait à tous ses domaines d'activité, cette unité d'amour à l'image de la Trinité divine dont l'expression artistique suprême reste la célèbre icône de la Sainte Trinité. Roublev la peignit justement à la gloire de saint Serge et pour son église. Dans un inventaire des peintures de la Laure de la Trinité- Saint Serge, G.Olsoufiev caractérisait ainsi, en 1920, cette icône: «on peut la dire sans pareille pour la synthèse parfaite d'une conception théologique sublime et du symbolisme artistique qui l'exprime par la structure des rythmes et des lignes, des couleurs et d'une plastique qui se transcende. Cette icone est par excellence ontologique, non seulement dans sa conception, mais aussi dans tous ses détails ».

La profondeur de la vision spirituelle de Saint André trouva son expression par la grâce d'un don artistique exceptionnel. Et l'icône de la Trinité, où culmine son ouvre reste, au point de vue artistique comme au point de vue théologique, le sommet de l'art orthodoxe.