Sainte Mère
ELISABETH 18/07 - 05/07 |
Au milieu des tourmentes,
les alliances entre les maisons royales étaient particulièrement
recherchées, le plus souvent par le biais des mariages. Ainsi, une
des filles de la reine Victoria fut-elle donnée en mariage au grand-duc
Louis IV de Hesse-Darmstadt.
Princesse allemande et protestante, Élisabeth naquit de cette union le 4 novembre 1864. Nous savons que sa mère inculqua très tôt à la fillette une foi profonde et un grand amour des pauvres. Durant le conflit austro-prussien, la petite princesse accompagnait souvent sa mère dans ses nombreuses visites aux hôpitaux et orphelinats. Encore adolescente, elle fit la connaissance de son futur mari, le grand-duc Serge Romanov, fils du tsar Alexandre II. Le mariage eut lieu le 15 juin 1884. Sa soeur Alexandra épousera le futur tsar Nicolas II, lui-même frère du grand-duc. Deux princesses qui allaient épouser, jusque dans leur martyre, la destinée tragique des Romanov et du peuple russe tout entier. On peut affirmer sans se tromper qu'Elisabeth a recherché toute sa vie une authenticité et une adhésion totales au Christ. Elle demeura six ans après son mariage dans la foi de son enfance. Son amour grandissant pour la Russie et pour le Christ lui fit embrasser la foi orthodoxe, démarche personnelle qui n'appartient qu'à elle. Voici comment elle s'en expliqua à sa soeur demeurée en Allemagne : "(Je te demande) de continuer à aimer ta grande soeur et de prier pour elle. Dis-toi qu'elle est profondément heureuse et en même temps terriblement tourmentée à l'idée de faire de la peine à ceux qu'elle aime tant, mais je suis sûre que la bénédiction de Dieu accompagnera mon choix. Cet acte, je l'ai fait, du plus profond de ma foi, avec le sentiment que je puis ainsi devenir meilleure chrétienne, m'approcher davantage de Dieu et Le remercier pour cette immense joie qu'Il me donne jour après jour... Tu me dis que c'est la splendeur extérieure de l'Église (orthodoxe) qui m'a séduite, ce en quoi tu te trompes : aucun signe extérieur ne peut avoir la force des convictions intérieures." Dès 1891, elle devint l'intime de saint Jean de Cronstadt qui exerça sur son âme une empreinte indélébile. En 1903, elle assista à la canonisation de saint Séraphin de Sarov : "Que de beauté et de merveilles ! Il nous semblait vivre à l'époque du Christ. Combien furent guéris. Nous avons eu la grâce d'entendre parler une petite muette, que la foi de sa mère avait amenée près des reliques du saint." En 1891, le tsar Nicolas II nomma son frère, le grand-duc Serge, gouverneur de Moscou. Le 17 février 1903, alors que le carrosse grandducal quittait le palais du Kremlin, la bombe d'un anarchiste pulvérisa l'attelage et tua le gouverneur. Quelques minutes plus tard, Élisabeth était sur les lieux. Surmontant sa douleur, elle s'occupa de tout, envoyant elle-même des télégrammes aux souverains amis du monde entier. Peu de temps après, elle visita en prison le meurtrier de son mari. L'ayant assuré de son pardon, elle l'invita à se convertir et lui laissa une petite icône de la Mère de Dieu qu'il accrocha dans sa cellule. Du jour au lendemain, son train de vie changea.
Désormais, elle-même et sa maisonnée vécurent dans
une extrême simplicité. Les témoignages concordent :
Elisabeth montra une grandeur d'âme exceptionnelle en ce temps d'épreuve.
Personne ne la vit jamais se plaindre sur elle-même ou paraître
seulement abattue. Âme de prière, la grande-duchesse se réfugiait
jour et nuit auprès du Christ, soit dans le service des pauvres, soit
dans la prière personnelle et l'office divin. Pendant cinq ans mûrit dans son coeur
la décision de se consacrer totalement à Dieu. Le 2 avril 1910,
elle prenait l'habit monastique avec trente autres soeurs. Voulant se cacher
aux yeux du monde qui passe, son rayonnement allait pourtant illuminer, jusqu'à
aujourd'hui, une époque sombre entre toutes. Dans l'ombre se tramaient
conspirations et calomnies dont elle fut une des premières victimes.
Belle-soeur du tsar, Romanov par alliance, elle allait être poursuivie
par la haine de ceux qui avaient juré l'anéantissement de la
sainte Russie. La première guerre mondiale venait d'éclater
et la princesse impériale, devenue Mère Elisabeth, se dépensait
sans compter auprès des pauvres, des malades, des orphelins. Malgré
l'extraordinaire charité qu'elle déploya alors et l'incroyable
fécondité de son oeuvre, la machine infernale de l'anarchisme
et du communisme était en marche pour l'anéantir, elle et son
oeuvre. Le 1er mars 1917, une foule déchaînée se dirige vers le couvent et demande à voir la supérieure, Mère Elisabeth. Ils veulent l'arrêter, car, disent-ils, elle cache des armes et des princes allemands. "Choisissez cinq des vôtres et faites
perquisitionner partout", propose-t-elle. Après quoi, elle invite les enquêteurs à rentrer dans l'église pour prier avec ses soeurs une dernière fois. Au terme de la prière, elle va baiser la croix tenue par un prêtre et invite les révolutionnaires à faire de même. Sous l'influence de son calme résolu et plein de dignité, ils vont baiser la croix et repartent assurant aux autres que : "Ceci est un couvent, rien de plus." Commentaire d'Élisabeth à ses soeurs, après le départ de la populace : "On voit que nous ne sommes pas encore dignes de la couronne du martyre." Certains membres du comité révolutionnaire
vinrent même s'excuser et lui proposèrent de fuir afin de mieux
sauvegarder sa vie. Mais elle refusa énergiquement, voulant demeurer
à son poste, auprès des blessés et des indigents. Un
peu plus tard, émissaires et ambassadeurs lui proposèrent de
fuir à l'étranger. Mais son refus demeura catégorique.
"Si nous croyons au suprême Sacrifice de Dieu le Père, envoyant
son Fils à la mort et Le ressuscitant pour notre salut, nous sentirons
en même temps la présence de l'Esprit saint bénissant
notre route, et notre joie sera éternelle, même si nos coeurs
et nos esprits humains, si limités, doivent passer par de terribles
épreuves." En 1918, les Bolcheviks, désormais au pouvoir, allait s'acharner pour décimer tous ceux des Romanov ou de la noblesse qui n'avaient pu s'échapper. Au printemps de cette même année, alors que le Tsar et sa famille étaient prisonniers à Iekaterinembourg, on vint arracher Mère Élisabeth à son couvent moscovite. Après une brève détention, elle fut emmenée, avec une soeur converse du nom de Barbara et plusieurs membres de la famille des Romanov, frères, neveux et cousins du tsar, vers une mine désaffectée à 12 km de là. Les yeux bandés, tous furent précipités dans la mine, profonde de 60 m. Elle-même et le prince Jean Constantinovitch Romanov furent arrêtés à 12 m par un rebord. Pendant plusieurs jours, les Bolcheviks en armes gardèrent les abords de la mine. Les paysans témoignèrent que, des heures durant, des chants au Christ ressuscité s'élevèrent des profondeurs. Puis ce fut le grand silence. Après le départ des gardes, les paysans allèrent chercher les corps pour les ensevelir pieusement. Sur la poitrine de Mère Élisabeth, on découvrit une icône du Sauveur que lui avait donné son mari au jour de leur mariage. On découvrit aussi qu'elle avait réussi à faire un pansement de fortune au prince Jean. Sur le rebord, à quelques mètres, deux grenades qui n'avaient pas éclaté. Mère Élisabeth était
la dix-septième personne de la famille des Romanov assassinée
entre 1917 et 1918. Trente ans auparavant, en 1888, Élisabeth
s'était rendue en Terre Sainte pour la consécration de l'Église
Saint Marie Madeleine, construite tout près du jardin de Gethsémani.
Plusieurs se rappelaient son désir d'être inhumée à
cet endroit. Les événements permirent à la dernière
volonté de la martyre d'être accomplie. En juillet 1919, un groupe
de soldats fidèles au tsar exhuma les corps qui furent dirigés
par train vers la Chine. Le 3 avril 1920, une messe de Requiem fut célébrée
à Pékin et les corps ensevelis dans la crypte de l'Église
Saint Séraphin de Sarov (dont il ne reste actuellement aucune trace).
Seuls les corps de mère Élisabeth et de soeur Barbara purent
être acheminés en Palestine via Chang-Haï et le Canal de
Suez. Le 15 décembre 1920, les dépouilles étaient ensevelies
dans la crypte de l'église Sainte Marie Madeleine. C'est à son arrivée à Pékin que le cercueil de mère Élisabeth fut ouvert. À l'émotion de tous, son corps apparut alors sans la moindre trace de corruption. Son visage paisible reflétait le calme du sommeil et sa main droite comme si elle voulait faire le signe de la Croix.
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