SAINT JOB 
le Juste 
 

19 mai - 06 mai


 
 
Bien longtemps avant la venue du Christ et la proclamation par Lui des promesses de la vie éternelle, vivait dans le pays d'Ausitide, aux confins de l'Idumée et de l'Arabie, un homme intègre et droit, qui craignait Dieu et se gardait de tout mal, nommé Job. Il était le plus fortuné de tous les fils de l'Orient et possédait quantité de troupeaux et de serviteurs, mais il usait de ces richesses au service de Dieu. Un jour, Satan se présenta devant Dieu, en revenant de flâner sur la terre où il avait cherché qui dévorer et entraîner dans sa déchéance. Comme Dieu lui montrait Job, en exemple d'un serviteur juste et droit, le diable répondit avec une froide ironie malveillante, qu'il était facile à ce riche de rester fidèle à Dieu. Répondant à cette provocation le Seigneur remit tous les biens de Job en son pouvoir. Quelque temps après des messagers vinrent annoncer au Patriarche la perte de ses troupeaux et la mort violente de tous ses fils et de ses filles. Job déchira ses vêtements et se rasa la tête en signe de deuil, puis il se prostema à terre et prononça ces paroles mémorables : « Nu je suis sorti du sein maternel, nu j'y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que le Nom du Seigneur soit béni ! » 

Dieu montra alors à Satan que Son serviteur Job avait conservé sa foi dans le malheur, mais le diable ne s'avoua pas vaincu pour autant et dit : « Touche à ses os et à sa chair, et je te jure qu'il Te maudira en face. » Bien qu'Il ne soit pas l'auteur du mal et qu'Il ne désire pas la souffrance, Dieu permit donc que Son serviteur soit affligé d'un ulcère, des pieds à la tête, afin d'éprouver sa vertu. Le riche et puissant Patriarche, mis au rebut par tous, prit un tesson de poterie pour gratter ses plaies et il s'assit sur un tas de fumier en dehors de la ville. A sa femme qui l'engageait à maudire Dieu, il répondit : « Tu parles comme une insensée. Si nous accueillons le bonheur comme un don de Dieu, comment ne pas accepter de même le malheur ! » .

La nouvelle de l'infortune de Job parvint jusqu'à trois de ses amis, sages et nobles de villes d'Orient : Eliphaz de Téman, Bildad de Shuah et Sophar de Naamat. Ils vinrent pour le consoler, mais en le voyant sur son fumier, ils éclatèrent en sanglots et, pendant sept jours, ne purent prononcer une seule parole. Finalement ce fut Job qui prit la parole, pour maudire le jour de sa naissance et souhaiter la mort, qui marquera la fin de ses maux..

A cette plainte du juste souffrant, Eliphaz opposa le comrnun argument de la raison humaine pour expliquer les afflictions : Le malheur et la souffrance sont envoyés par Dieu en châtiment des péchés commis au préalable. Que Job n'avance donc pas l'intégrité de sa conduite pour se justifier devant Dieu, mais qu'il confesse ses péchés et qu'il se repente, pour obtenir le pardon et retrouver santé et prospérité. S'il se révolte contre son sort, il n'en tirera qu'un surcroît de maux. L'homme, ajouta le sage, naît pour la souffrance, et les péchés et les injustices que nous commettons doivent de toute manière être châtiés en cette vie.

Au lieu de consoler Job, ces paroles le troublèrent et ravivèrent sa souffrance. Il reprocha à ses amis leur dureté à son égard - car ceux qui ne sont pas éprouvés ne peuvent comprendre qu'elle est la souffrance de l'innocent soumis à la tribulation - et il confirma son innocence. Sans se révolter contre Dieu ni demander à être délivré de ses maux, Job exprimait seulement le souhait d'en voir la fin par la mort, sa seule consolation serait alors de ne s'être jamais opposé à la parole de Dieu.

Bildad l'interrompit alors, pour reprendre le même argument que son compagnon, et évoquer une loi générale et abstraite sur la rétribution des actes mauvais, qui toutefois ne s'appliquait pas au cas de Job : Dieu est absolument juste, Job ne doit donc pas protester de son innocence, mais implorer Sa miséricorde. Job lui répondit que, certes on peut admettre que les malheurs qui nous adviennent sont châtiments des péchés, mais de toute manière quel être créé pourrait être trouvé foncièrement juste devant le Dieu Tout-Puissant ? Même l'homme qui, comme lui, ne voit en lui-même rien à se reprocher, ne peut prétendre se justifier, et se voit donc livré aux tribulations comme l'inique. Et il ajouta, en s'adressant à Dieu : « Tu sais bien que je suis pécheur, comme tout homme, mais je n'ai pas commis d'iniquité. Cesse donc de me fixer, pour me permettre un peu de joie, avant que je ne m'en aille sans retour au pays des ténèbres et de l'ombre épaisse ».

Il apparut dès lors à Job qu'il ne pouvait guère escompter sur la compréhension de ses amis, qui prétendaient se faire les défenseurs de la justice divine par des accusations mensongères à son sujet ; et, prenant sa chair entre ses dents et sa vie en ses mains, il interrogea Dieu avec angoisse : « Combien de fautes et de péchés ai-je commis ? Dis-moi quelles ont été mes transgressions et mes péchés. Pourquoi caches-Tu Ta face ? ».

Après une nouvelle intervention d'Eliphaz, l'accusant de s'élever contre la Providence, voyant que ses amis devenaient ses persécuteurs, Job s'écria : « Pitié, pitié pour moi, ô vous mes amis ! Car c'est la main de Dieu qui m'a frappé. Pourquoi vous acharner sur moi comme Dieu Lui-même ? » (19:21). Puis, interrompant sa plainte, il confessa son espérance qui était celle, encore confuse, de tous les justes de l'Ancien Testament : « Je sais moi, que mon Rédempteur est vivant, que Lui, le dernier, se lèvera de la poussière. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu » (19:25-26) (3).

Insensibles et implacables dans leur zèle à défendre leur conception de la justice divine, les trois sages revinrent une fois de plus à la charge contre le juste, en ne se contentant plus de généralités mais en énumérant, cette fois dans le détail, les fautes que Job avait dû commettre au temps de sa prospérité pour encourir un tel châtiment. Gardant toutefois envers et contre tous le bon témoignage de sa conscience, Job demanda à comparaître devant Dieu pour être jugé, convaincu que sa cause triompherait et que c'est de Dieu seul qu'il tirerait sa consolation Puis, dans un admirable discours, il confessa que si la sagesse de Dieu dans la création est inaccessible à la connaissance humaine, il n'est pas possible de connaître les motifs de 1'affliction du juste ; mais celui-ci n'en cessera pas cependant d'aimer Dieu et de se confier en Lui (28:28). Il poursuivit son discours par une longue apologie de sa conduite et proclama qu'il était prêt à rendre compte de tous ses actes et à porter publiquement l'acte d'accusation qu'on rédigerait contre lui.

Comme les trois sages se taisaient, à bout d'arguments, Elihu, qui s'était tenu jusque-là sur la réserve, à cause de son jeune âge, s'enflamma de colère contre Job, qui prétendait avoir raison contre Dieu et ajoutait ainsi la rébellion à son péché.

Elihu s'étant tu, Dieu prit la parole au sein de la tempête, comme Il l'avait fait jadis au sommet du Sindi, pour mettre un terme au débat. Dans un discours grandiose sur les mystères de la création et le gouvemement de la Providence, qui soumet même les monstres et les catastrophes naturelles à son dessein bienveillant, Dieu donna à son serviteur Job la clé de l'énigme que la sagesse humaine n'avait pas été capable de résoudre. Ces épreuves ne lui avaient pas été envoyées comme châtiment d'une faute, mais par un dessein gratuit et insondable, afin de manifester sa justice : « Ne rejette pas mon juste jugement. Penses-tu donc que j'ai agi autrement que pour manifester ta justice ? » (40:3). Réalisant que ses tribulations elles-mêmes avaient été une révélation du Dieu "incompréhensible, insondable et inaccessible", Job déclara finalement : « Je ne Te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux T'ont vu. C'est pourquoi plein de confusion je me consume et me considère comme terre et cendre » (42:5). Cet aveu d'une extrême humilité fut pour Job le couronnement de sa vertu et l'accès à la vraie connaissance de Dieu, laquelle n'est autre que « la sensation de son incompréhensibilité » (St. Grégoire de Nysse). Triomphant de l'épreuve, il fut comblé de bénédictions dès que, sur 1'ordre de Dieu, il eut intercédé pour obtenir le pardon du péché commis par ses amis à son égard. Le Seigneur restaura sa fortune, Il lui donna le double de tout ce qu"il possédait auparavant et lui accorda une nombreuse descendance. Job vécut encore cent quarante ans et mourut, chargé de jours, à l'âge de 240 ans.

Le livre de Job occupe dans la Sainte Ecriture une place toute particulière et fut de tout temps la grande consolation des serviteurs de Dieu soumis à l'épreuve.