Saintes
MAURE et BRIGIDE 26/07- 13/07
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Elles étaient
soeurs jumelles, filles d'Ella, roi d'Ecosse et de Northumberland, et de
Pantilémone, sa femme. A Leur naissance, la peste, qui dépeuplait
l'Ecosse, fut heureusement éteinte : Maure, qui était l'ainée,
parla au moment de son Baptême, pour déclarer que sa mère,
qui était morte en donnant le jour à ses deux filles, jouissait
déjà de la vie éternelle, et Brigide, qui était
la cadette, sortit des fonts de Baptême tout environnée de
lumière Le lieu de leur éducation fut le château d'Edimbourg,
capitale du royaume d'Ecosse, dans le comté de Lothiane. A l'age
de 13 ans, Notre-Seigneur les ayant invitées à être
Ses épouses, elles firent ensemble voeu de virginité : elles
y persistèrent si courageusement, que le roi, leur père,
leur offrant des partis très-avantageux qui devaient les rendre
souveraines, et les mettre dans la jouissance de tout ce que la vie présente
a de charmant et de délicieux, elles répondirent avec fermeté,
"que s'étant données pour épouses au Fils de Dieu,
elles ne pouvaient nullement s'engager dans l'alliance des hommes". Cette
résolution affligea ce prince, qui prétendait tirer de grands
avantages du mariage de ses filles avec ses voisins; il eut néanmoins
assez de vertu pour ne leur point faire violence, et peu de temps après
il mourut, laissant sa couronne et ses Etats à Hyspade (ou Espain)
son fils.
Ce jeune homme avait autant d'aversion du commandement
que les ambitieux ont de passion de se le procurer. Le sceptre et le diadème,
qui paraissaient aux autres chargés de fleurs, lui paraissaient
hérissés d'épines. La difficulté qu'il sentait
à se bien gouverner lui-même lui faisait croire qu'il lui
serait impossible de bien gouverner un grand peuple. Ainsi, ne pouvant
sa résoudre à régner, il pria ses soeurs, dont il
connaissait la prudence et la vertu, de se charger de ses Etats et d'en
prendre le timon à sa place.
Dieu fit paraître en deux occasions que ces chastes princesses étaient sous Sa protection spéciale. Ayant été obligées de coucher une nuit chez une pauvre veuve, elles y furent délivrées miraculeusement de l'insolence du fils de cette femme, qui jeta un regard impudique sur sainte Maure, sans que l'éclat de son visage, qui brillait au milieu de la nuit comme un soleil, fût capable d'éclairer son entendement, ni d'amortir la violence de sa passion. La chaste vierge s'étant aperçue de son mauvais dessein et du danger où elle était, eut recours à la prière, et demanda instamment à son Epoux qu'Il lui plût changer le coeur de ce misérable, et, d'impudique et lascif qu'il était, le rendre pur et ami de la continence. Son oraison fut exaucée : car, à l'heure même, il se fit un si grand changement dans l'âme de ce sacrilège, qu'il éteignit lui-même le feu de sa passion par ses larmes, et que, se jetant aux pieds de la Sainte, il la supplia avec instance de lui pardonner sa folie et de lui en obtenir le pardon de la miséricorde de Dieu. La seconde occasion fut encore plus miraculeuse.
Dans une autre hôtellerie, un homme osait aussi venir avec un désir
criminel à la chambre où reposaient les deux vierges. Il
croyait qu'elles ne pouvaient nullement échapper à sa passion;
mais, pendant qu'elles dormaient, leur ange, veillant sur elles, était
auprès d'elles pour les garder. En effet, lorsque cet homme entra,
il vit un prêtre, en habit sacerdotal, qui avait d'une main une lampe
allumée dont il éclairait toute la chambre, et de l'autre
un encensoir dont il la parfumait.. Plein de dépit, il mit le feu
à la chambre pour se venger.
Ces prodiges les eussent fait découvrir si elles n'eussent passé promptement la mer. Elles vinrent donc en France, et de là se rendirent à Rome, pour y visiter les tombeaux des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, auxquels les Anglais et les Ecossais avaient une très grande dévotion. A Rome, elles logèrent chez un homme nommé Ursicin; elles le délivrèrent par leurs prières d'un démon qui l'obsédait. De là, elles firent le voyage dé Jérusalem avec leur frère et cet Ursicin, qui, pour reconnaître la grâce qu'il avait reçue par leur intercession, sa voua à leur service et ne voulut plus les abandonner; après la visite des saints lieux qu'elles arrosèrent de leurs larmes, elles repassèrent en Italie, et ensuite en France, où Dieu leur préparait un très-glorieux martyre. Le lieu où l'on dit qu'elles abordèrent, fut le port de Marseille, sur les côtes de Provence. Elles vinrent de là dans l'Anjou, où Ursicin, s'étant brisé la jambe, fut miraculeusement guéri par le seul attouchement du voile de sainte Maure, qui le donna pour lui servir de bandage. Un baiser de sainte Brigide rendit aussi la vue à une petite fille aveugle ce qui mit les chastes soeurs en grande réputation, et les fit honorer comme Saintes. Cependant leur fidèle compagnon étant retombé malade, après 8 jours de fièvre, fut ravi en extase; il apprit par révélation divine que ces glorieuses princesses, avec leur frère, recevraient bientôt la palme du martyre. L'avis qu'il leur en donna leur fut si agréable, que, pour récompense, elles lui méritèrent une seconde guérison ensuite, elles entrèrent dans Angers, et logèrent chez une honnête veuve, nommée Aldegonde, qui venait de perdre son fils; sainte Maure ressuscita ce jeune homme, et le rendit vivant à sa mère. Une grâce si peu espérée remplit le fils et la mère d'une reconnaissance extraordinaire, et, comme 2 ou 3 jours ne suffisaient pas pour remercier dignement leur bienfaitrice de cette insigne faveur, la voyant résolue à partir avec sa compagnie, pour aller au tombeau de saint Martin, ils l'y accompagnèrent et ne voulurent plus la quitter. Ce fut en ce voyage que la même sainte Maure ressuscita encore le fils d'un seigneur nommé Géronce, que l'on appelait Johel, et qui avait été tué, par accident, d'un coup de flèche; mais elle lui prédit en même temps qu'il perdrait bientôt la vie pour la Foi, ce qui lui procurerait l'honneur et la couronne du martyre. En effet, il eut la tête tranchée à 22 ans par les ennemis de notre sainte religion. Outre cette résurrection, elle rendit la santé au fils d'un cordonnier, affligé d'une paralysie, qui lui ôtait l'usage de ses membres: d'autre part, sainte Brigide, sa soeur, et saint Hyspade, leur frère, délivrèrent beaucoup de possédés et guérirent plusieurs fiévreux qui vinrent se présenter à eux dans la maison de Géronce, ou qui se trouvèrent dans le bourg. C'est pour cela que cette maison, qui est auprès de Sainte-Catherine de Feribois en Touraine, a depuis été changée en une église qui porte le nom de Sainte-Maure. Nous ne savons pas par quel chemin ces admirables
pèlerins vinrent dans le Beauvaisis; mais líhistoire nous apprend
qu'y étant arrivées auprès d'une fontaine, avec leurs
compagnons, en un lieu nommé Balagny, pour y prendre quelque nourriture,
elles furent rencontrées par des brigands, ou plutôt par des
barbares dont la France alors était remplie : car c'était
après les invasions des Alains, des Vandales, des Suèves,
et autres peuples du Nord. Ils massacraient ceux qui refusaient de satisfaire
leur superstition ou leur avarice, ou leur brutalité. Saint Hyspade
se mit enétat de défendre ses soeurs, mais un coup d'épée
lui trancha la tête. On dit que ce bienheureux prince ramassa sa
tête en même temps, et la porta aux pieds de sainte Maure,
en
prononçant ces dernières paroles de l'Oraison dominicale:
"Sed liberas nos a malo", auxquelles les saintes soeurs répondirent
: Amen.
Ursicin, dont nous avons parlé dans cette histoire, n'était pas présent à cette cruelle exécution : il connut bientôt ce qui était arrivé aux deux saintes par une lumière céleste qui parut sur le lieu de leur supplice; il vit aussi une troupe d'esprits bienheureux qui emportaient leurs âmes au ciel, et, d'autre part, il aperçut les barbares qui s'égorgeaient par une juste punition de leur crime. Il donna avis aux habitants de Balagny de ce qui s'était passé, et on rendit aux saintes Martyres l'honneur de la sépulture. L'évêque de Beauvais fit information de l'affaire, et, en ayant reconnu la vérité, il permit d'honorer Maure et Brigide comme deux saintes vierges et martyres. On les invoque surtout aux époques de
mortalité et de disette.
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