SAINT PHOTIOS

le Confesseur, Patriarche de Constantinople
 
 
 

19 février / 06 février


 
 
Notre Saint Père Photios le Grand naquit en 820 dans une famille de la haute noblesse byzantine. Son père, le spartharios Serge, était le frère du Patriarche Saint Taraise , et le frère de sa mère Irène avait épousé la soeur de l'impératrice Théodora. Ses parents aimaient les moines et ils souffrirent le Martyre pendant la persécution iconoclaste, laissant ainsi à leur fils en héritage un bien plus précieux que la noblesse et la fortune : l'amour de la Vraie Foi jusqu'à la mort. Doté par Dieu d'aptitudes intellectuelles exceptionnelles, le jeune Photios reçut une éducation des plus raffinées dans toutes les sciences profanes et sacrées. Il passait des nuits entières à l'étude, ne laissant échapper aucun domaine de la connaissance d'alors, et il acquit ainsi un savoir universel qui fit de lui l'homme le plus savant de son temps et la figure centrale de la renaissance intellectuelle de Byzance après la tourmente iconoclaste. Il devint ensuite un professeur renommé de philosophie aristotélicienne et de théologie à l'université impériale fondée dans le palais de Magnaura. Envoyé en mission diplomatique auprès du calife de Bagdad, il rédigea de mémoire, à l'intention de son frère, sa Myriobiblos ("Bibliothèque") : résumé critique de quelques 280 ouvrages de toutes natures, preuve de l'étendue de ses connaissances. Cette mission ayant été couronnée de succès, il reçut à son retour la dignité de directeur de la Chancellerie impériale (Protasécretis), sans pourtant abandonner ses tâches professorales et ses chères études.

En 857, l'oncle de l'empereur Michel III, Bardas, prenait le pouvoir politique avec le titre de césar. Pour se venger du Patriarche Saint Ignace, qui avait réprouvé ses moeurs, il le contraignit à démissionner de sa charge et fit élire, contre son gré, par le Clergé unanime le pieux et sage Photios. Préférant même la mort à cette fonction périlleuse dans une période si troublée, celui-ci résista tant qu'il put aux injonctions et aux menaces, puis c'est en pleurant qu'il céda finalement et accepta d'abandonner la paix de son cabinet et les entretiens philosophiques avec ses amis spirituels pour être ordonné Patriarche de Constantinople, le 25 décembre 858, après avoir gravi en six jours tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique. En envoyant sa profession de foi au Pape de Rome, il écrivait: « C'est involontairement que nous avons été élevé, et c'est comme un prisonnier que nous siégeons... » Les partisans extrémistes d'Ignace commencèrent alors à s'opposer au nouveau Patriarche par toutes sortes d'intrigues, en prétextant l'irrégularité de son élévation subite de l'état laïc au degré suprême de la hiérarchie. Photios quant à lui cherchait à éviter tout affrontement et entreprenait ce qui était en son pouvoir pour rétablir l'unité et la paix dans l'Eglise, en la confirmant dans le lien de la charité. Il s'efforça d'abord de liquider les restes des hérésies manichéenne et iconoclaste, entreprit la restauration de quantité d'églises, de monastères et d'établissements de bienfaisance, qui avaient été victimes du vandalisme iconoclaste, et montra un souci tout particulier pour organiser les missions d'évangélisations chez les peuples barbares. Malgré ses efforts pour apaiser les partisans d'Ignace et tout en réprouvant les violentes répressions menées contre eux par le gouvernement, il fut contraint de réunir un concile (859) qui confirma la déposition d'Ignace et l'envoya en exil à Mytilène puis à Thérébinthe. Comme l'agitation n'avait pas cessé, on réunit un autre concile, en 861, dans l'église des Saints-Apôtres, en présence des légats du Pape, connu sous le nom de Concile "Premier-Second", dans le but officiel de sanctionner la restauration de l'Orthodoxie et de condamner définitivement l'iconoclasme. Mais, outre ce rôle dogmatique, le concile reconnut la validité de la nomination de Photios, avec la pleine adhésion des légats qui, quoiqu'ils eussent agi contre les ordres du Pape, pensaient ainsi faire triompher l'autorité romaine.

L'arrogant et ambitieux Pape Nicolas Ier (858-868), qui avait pris le parti d'Ignace, avait vu dans cette affaire l'occasion d'affirmer, pour la première fois de façon si manifeste dans l'histoire de l'Eglise, la prétention des papes de Rome à la juridiction "sur toute la terre et sur l'Eglise universelle". De la primauté d'honneur et du pouvoir d'arbitrage en matière dogmatique, qui avaient toujours été reconnus par les autres Eglises, en particulier pendant les grandes hérésies menées par les empereurs byzantins (arianisme, monothélisme, iconoclasme), on voit en effet à cette époque la Papauté reprendre à son compte la prétention hégémonique de l'empire franc, avortée avec la mort de Charlemagne et le Traité de Verdun (843). Sous l'initiative de papes au caractère autoritaire, celle-ci cherche alors à imposer à toute l'Eglise sa suprématie, laquelle lui aurait été léguée par le Christ Lui-même, et lui donnerait le droit de s'immiscer dans les affaires intérieures des autres Eglises et d'imposer partout les usages de l'Eglise romaine (célibat du Clergé, jeûne du samedi, utilisation du pain azyme pour l'Eucharistie etc.).

L'opposition du Pape Nicolas Ier et son ingérence dans les affaires de l'Eglise byzantine, alors qu'il n'avait été sollicité que pour trancher sur l'iconoclasme, poussa Saint Photios à dénoncer les innovations romaines. Il écrivait en effet : « L'abolition des petites choses transmises par la tradition conduit au mépris complet des dogmes. » Cette réaction provoqua la fureur du Pape qui écrivit alors à tous les Evêques d'Orient en accusant Photios d'adultère, puisqu'il occupait un siège du vivant de son titulaire légitime, et il décréta de son propre chef la déposition du Patriarche de Constantinople, fait encore jamais vu. Il décidait de surcroît que les décisions du concile de 861 étaient invalides, en invoquant le droit des Papes à juger les conciles. Et il n'en resta pas là. En 863, il convoqua à Rome un Concile d'Evêques occidentaux, qui décida la déposition de Photios et excommunia tous les Clercs ordonnés par lui. Aux objections de l'empereur Michel III le Pape déclarait, en 865, qu'il tenait du Christ Lui-même sa suprématie sur l'Eglise universelle et pouvait de ce fait intervenir dans les affaires intérieures des autres Eglises. Puis, dans une suite de lettres, il couvrit Photios d'une kyrielle d'injures qui ne méritèrent aucune réponse de la part de ce vrai disciple du Sauveur.

Malgré les oppositions et les soucis, le Saint Patriarche n'en poursuivait pas moins son activité apostolique. En accord avec l'empereur, il organisa alors des missions d'évangélisation chez les peuples slaves. Il fit appel pour cela à son collègue et ami, le très savant Constantin, que nous vénérons sous le nom de Saint Cyrille, et à son frère Méthode, ascète du Mont Olympe, pour entreprendre une première mission chez les Khazars de la Russie du Sud. Un peu plus tard. à la demande du prince de Moravie, il envoya les deux frères pour une grande mission qui marqua le début de la conversion des peuples slaves des Balkans1.

Dans le même temps, le prince de Bulgarie, Boris (Michel), qui venait d'être baptisé par Photios, avec l'empereur Michel comme parrain, en entraînant derrière lui toute sa nation au Christianisme, se détournait de Byzance, qui avait refusé de lui accorder un Patriarche, pour faire appel à Rome (866). Saisissant cette occasion qui répondait si bien à ses ambitions, le Pape envoya aussitôt des missionnaires latins en Bulgarie, avec ordre de répandre leurs innovations dans cette jeune Eglise évangélisée par les Byzantins, en particulier l'addition du Filioque dans le Symbole de Foi. Devant le danger de ces innovations qui atteignaient le dogme de la Sainte Trinité lui-même, Saint Photios jugea qu'il était temps pour le doux de devenir combattant et qu'il fallait rompre le silence pour passer à la riposte. Il adressa une Lettre Encyclique à tous les Evêques d'Orient, dans laquelle il condamnait énergiquement les erreurs latines, en particulier le Filioque. Puis il convoqua un grand Concile à Constantinople, en 867, qui proclama la Doctrine orthodoxe victorieuse sur toutes les hérésies et anathématisa le Pape Nicolas et ses missionnaires de Bulgarie. Un schisme officiel séparait ainsi les deux Eglises, précurseur de la rupture définitive de 1054.

Cependant, à la fin de l'année 867, après l'assassinat de Michel III, l'empereur Basile 1er (867-886), montait sur le trône en fondant la dynastie macédonienne. Il fit aussitôt déposer Saint Photios et le fit emprisonner au monastère de la Protection, et il replaça Saint Ignace dans sa charge. En dépit des interventions pacifiques d'Ignace, les ennemis de Photios commencèrent alors à mener une persécution en règle contre tous les Clercs qu'il avait ordonnés. Devant cette agitation, Basile 1er crut opportun de remettre à Rome le jugement entre les deux prétendants au siège patriarcal. Le successeur de Nicolas 1er, Adrien II, profita de cette aubaine offerte par l'empereur et réunit un concile (869) qui condamna de nouveau Photios, déclara invalide le Concile de 867, en brûlant publiquement ses actes, et manda la réunion d'un concile à Constantinople. Ce faux concile, appelé par les Latins Huitième Concile OEcuménique, réunit en 869-870 des Evêques peu nombreux qui, par crainte du despote et par lâcheté, condamnèrent le Phare de l'Eglise et firent exiler ses partisans aux extrémités de l'Empire. Plus de deux cents Evêques furent alors déposés et de multiples Prêtres furent réduits à l'état laïc. Traîné comme un malfaiteur devant le synode et sommé de répondre aux accusations portées contre lui, le saint prélat répondit après un long silence : « Dieu entend la voix de celui qui se tait. Car Jésus Lui-même gardant le silence n'a pas échappé à la condamnation. » Comme on insistait, il répondit : « Ma justification n'est pas de ce monde ». Digne imitateur de la Passion du très doux et très patient Jésus, le Saint, bien que malade, supporta pendant trois ans toutes les peines d'une rude incarcération, la privation de toute compagnie et même de ses livres, sans une plainte, sans jamais accuser Ignace, innocent de toutes ces cruautés, en ne pensant qu'à encourager par lettres ses amis souffrants et à prier pour l'empereur et pour ses persécuteurs.

Pendant ce temps, les Evêques ayant compris que leur lâche opportunisme les avait conduits à soumettre l'Eglise byzantine au despotisme romain, persuadèrent l'empereur de déclarer, invalides les décisions du concile de 870 et de relâcher Photios. Le souverain rappela alors le Saint avec de grandes marques d'honneur et le nomma précepteur de ses enfants. Le premier geste de Photios fut alors de se précipiter chez Ignace, pour se réconcilier avec lui. Les deux Saints, victimes des rivalités entre les partis qui s'étaient servis de leurs noms, s'embrassèrent chaleureusement, et Photios accorda toute son assistance au vieux Patriarche malade, qu'il visitait quotidiennement. A la mort de Saint Ignace, le 23 octobre 8773, l'Eglise unanime replaça Photios sur le trône patriarcal. Peu de temps après, c'est Photios lui-même qui introduisit la célébration de la mémoire de Saint Ignace. C'est donc à juste titre que l'Eglise réunit les deux Saints en un même éloge dans le Synodikon lu le Dimanche de l'Orthodoxie : « Eternelle mémoire aux très Saints et très illustres Patriarches Ignace et Photios! » Un concile réunit par la suite à Constantinople 383 Pères (879-880), sous la présidence de Photios et en présence des légats du Pape. Ils confirmèrent la réhabilitation du Patriarche, annulèrent le concile de 869 et rétablirent la communion entre les deux Eglises, anathémisant toute innovation, en particulier l'addition hérétique dans le Symbole de Foi. Le plus grand désir du prélat était comblé : le rétablissement de la paix et de l'unité de l'Eglise. Il se remit aussitôt à sa tâche de pacification, en proposant charitablement à ses ennemis la réconciliation et en prenant sans rancune un soin paternel des partisans d'Ignace.

Quand Léon VI le Sage (886-912) succéda à son père sur le trône, désireux de se venger d'un ami de Photios, qui avait, croyait-il, dénoncé à son père le complot qu'il avait tramé contre lui, il déposa sans jugement le Saint Patriarche (886) et le fit enfermer comme un malfaiteur dans le Monastère des Arméniaques, où le Saint resta reclus pendant cinq ans, privé de toute consolation humaine mais éclatant comme l'or éprouvé dans la fournaise des épreuves. C'est alors qu'il rédigea, sans l'aide d'aucun livre, sa Mystagogie du Saint-Esprit : réfutation systématique de l'hérésie du Filioque, dans laquelle il démontre que le Saint-Esprit procède éternellement de la Personne du Père, la Source de la Divinité, et nous est envoyé par le Fils, pour nous rendre participants de la nature divine. Laissant ce traité en guise de testament à la Sainte Eglise en vue des combats à venir, il partit rejoindre le choeur des Saints Pères et des Docteurs, le 6 février 891. Les miracles qui abondèrent bientôt sur sa tombe contribuèrent à convertir même ses plus grands ennemis. Humble, silencieux et patient dans les tribulations, ce confesseur de la Foi, injustement taxé de fanatisme par ses ennemis, reste un des grands luminaires de l'Orthodoxie et un des témoins les plus authentiques de l'esprit évangélique.