SAINT TIKHON
Patriarche et Confesseur de Moscou Illuminateur de l'Amérique du Nord 07/04-25/03 |
Basile Ivanovitch Bélavin,
que nous connaissons aujourdíhui sous le nom de saint Tikhon, est né
le 9 janvier 1865. Son père Jean était prêtre de campagne,
dans le district de Toropetz, faisant partie du diocèse de Pskov.
Basile passa son enfance au village, en contact direct avec la vie paysanne
et ses travaux. Dès son jeune âge, il montra un intérêt
pour la spiritualité, il fit preuve díun amour particulier pour
l'Église, et montra une douceur et d'une humilité remarquables.
Lorsque Basile était encore un jeune garçon, son père Jean eut une révélation au sujet de chacun de ses enfants. Une nuit, il dormait avec ses enfants dans le grenier à foin. Soudain, il se réveilla et les fit lever. En rêve, il avait vu sa mère décédée qui lui prédisait une mort imminente et le destin de ses trois fils. Cette vision annonçait que l'un connaîtra l'infortune tout au long de sa vie, que l'autre mourra jeune, et que le troisième, Basile, deviendrait un grand homme. Cette prophétie allait se révéler exacte. De 1878 à 1883, Basile étudia au Séminaire théologique de Pskov. Ce modeste séminariste était tendre et affectueux de nature. Il avait une haute taille. Ses condisciples l'aimaient et le respectaient pour sa piété, pour ses brillants progrès dans les études, et pour sa disponibilité constante pour aider ses camarades. Ceux-ci s'adressaient à lui pour expliquer des leçons, et particulièrement pour la rédaction et la correction de nombreuses dissertations. Basile était surnommé " l'évêque " ou " le Patriarche " par ses condisciples. En 1888, à l'âge de vingt-trois ans, obtint son diplôme de l'Académie théologique de Saint-Pétersbourg en tant que laïc, ce qui était une rareté à l'époque. Il retourna ensuite au Séminaire de Pskov et y enseigna la morale et la théologie dogmatique. Il eut une excellente réputation au Séminaire de Pskov, et jusque dans la ville. Il menait une vie austère et, lorsqu'il parvint à l'âge de vingt-six ans, en 1891, il prononça les vúux monastiques. Il reçut le nom de Tikhon, en líhonneur de saint Tikhon de Zadonsk. Pratiquement toute la ville prit part à la cérémonie. En embrassant ce nouveau genre de vie, il désirait se consacrer entièrement au service de l'Église. En 1892, il fut transféré du Séminaire de Pskov à celui de Kholm, et élevé au rang d'archimandrite. Le 19 octobre 1897, à l'âge de 32 ans, l'archimandrite Tikhon fut consacré évêque de Lublin (ville située actuellement en Pologne). Il retourna à Kholm pour un an en tant qu'évêque auxiliaire. Par son travail, l'évêque Tikhon réussit à s'attirer l'estime générale, non seulement de la part de la population russe, mais encore de la part des Lithuaniens et des Polonais. Le 14 septembre 1898, l'évêque Tikhon fut nommé évêque des îles Aléoutiennes et de l'Alaska. Son siège se trouvait en fait à San Francisco, en la Cathédrale de la Sainte Trinité. Il se retrouvait ainsi à la tête de l'Orthodoxie en Amérique. Il travailla énormément pour répandre l'Orthodoxie et pour développer son vaste diocèse. Il fit de nombreux voyages afin de visiter ses paroisses les plus éloignées, incluant les communautés se trouvant en Alaska. Il réorganisa la structure diocésaine. En 1900, il demanda au Saint-Synode de l'Église orthodoxe russe de changer l'appellation " Diocèse des îles Aléoutiennes et de l'Alaska " en " Diocèse des îles Aléoutiennes et de l'Amérique du Nord ", car la population orthodoxe américaine augmentait considérablement, du fait d'une très nombreuse immigration européenne qui venait s'établir dans le centre et l'est des États-Unis. Le clergé et les laïcs appréciaient leur pasteur et le tenaient en une telle estime que les Américains firent de l'archevêque Tikhon un citoyen émérite des États-Unis. En 1899, il se rendit à Chicago et incita le père Jean Kochurov à construire une église répondant aux besoins de sa communauté. Le 22 mai 1901, il bénit la pierre angulaire de la cathédrale saint Nicolas à New York, et apporta également son aide pour la construction d'autres églises. Le 9 novembre 1902, il consacra l'église saint Nicolas à Brooklyn, desservant les immigrants syriens orthodoxes. Deux semaines après, il consacra la cathédrale saint Nicolas à New-York. En 1903, saint Tikhon fut convoqué en Russie, où il participa à une session du Saint-Synode. Il présenta la requête de pouvoir développer un séminaire pour la mission d'Amérique du Nord. Celui-ci s'établirait dans les bâtiments de l'église Sainte-Marie à Minneapolis. Cette requête fut acceptée. Il demanda également au Saint-Synode de lui accorder un évêque auxiliaire, afin de l'aider dans son travail pour le diocèse, particulièrement en ce qui concernait l'Alaska. Cette proposition fut approuvée, et en 1903, Innocent (Pustynsky) fut élu et consacré évêque à Saint-Pétersbourg. Cette décision était particulièrement appropriée, car Innocent avait déjà travaillé au sein de la mission américaine, dans les années 1893-1895. Ses voyages l'avaient mené en Alaska et dans les terres peuplées d'immigrants orthodoxes, en Pennsylvanie. Saint Tikhon réussit également à persuader le Saint-Synode de faire de l'Archimandrite Raphaël (Hawaweeny) (saint Raphaël de Brooklyn) un évêque auxiliaire, afin de s'occuper du nombre toujours grandissant d'Orthodoxes syriens et arabes qui venaient s'établir en Amérique. Les évêques Tikhon et Innocent consacrèrent Raphaël en mars 1904, en l'église syriaque de Saint-Nicolas à Brooklyn. Raphaël fut le premier évêque orthodoxe consacré en Amérique du Nord. Cette expansion de la vie de l'Église incita saint Tikhon à transférer le siège diocésain à New-York, afin d'être géographiquement plus proche de la présence orthodoxe grandissante, dans la partie Est des États-Unis. En mai 1905, la mission américaine devint un archidiocèse, et saint Tikhon fut élevé au rang díarchevêque. En juin 1905, saint Tikhon donna sa bénédiction pour l'établissement du monastère Saint-Tikhon de Zadonsk, en Pennsylvanie. Pendant la même année, saint Tikhon montra la vision qu'il nourrissait pour l'Église orthodoxe en Amérique du Nord : Il affirma que le diocèse était appelé à devenir un exarcat de l'Église russe, muni díune large autonomie, avec comme but ultime, l'accession à l'autocéphalie. Deux ans plus tard, saint Tikhon présidait le premier concile de l'Église en Amérique du Nord, avec l'ensemble du clergé et un délégué laïc par paroisse. Les décisions du concile devaient être considérées comme des mandats adressés à toutes les paroisses en Amérique du Nord. Ainsi furent jetées les fondations d'un gouvernement conciliaire de l'Église en Amérique du Nord. La présence orthodoxe au Canada était très limitée avant l'arrivée de grands nombres d'immigrés ukrainiens dans les années 1890 comme colons sur les prairies de l'Ouest. Le diocèse russe basé à San Francisco s'est occupé de ces colons orthodoxes nouveaux-arrivés et l'évêque Tikhon, qui visita le Canada pour la première fois en 1901, a établi des paroisses en Alberta, au Manitoba et au Saskatchewan. Parmi les missionnaires qui servaient le diocèse à l'époque de l'archevêque Tikhon figuraient plusieurs prêtres qui ont également été canonisés : le père Alexis Toth (1854-1909), qui travailla notamment auprès des communautés uniates en vue de leur retour à l'Orthodoxie ; le père Jean Kochurov, qui retourna en Russie en 1907 et fut fusillé par des marins bolcheviques en octobre 1917 ; et le père Alexandre Hotovitzky, retourné en Russie en 1914, arrêté par les communistes en 1937, et dont le lieu et la date de décès sont inconnus. En 1907, l'archevêque Tikhon retourna en Russie et fut assigné à Yaroslavl, où il gagna rapidement l'affection de son troupeau. Il parlait simplement à ses subordonnés. Lorsqu'il devait réprimander quelqu'un, il parvenait à le faire d'une façon naturelle, parfois sous la forme d'une plaisanterie, de sorte que la personne concernée était encouragée à corriger ses erreurs. Lorsque saint Tikhon fut transféré en Lituanie, le 22 décembre 1913, les gens de Yaroslavl le désignèrent comme citoyen honoraire de leur ville. Après son transfert à Vilnius, il déploya une grande activité pour accorder un support matériel à diverses institutions charitables. La première guerre mondiale fut déclenchée lorsqu'il était à Vilnius. Il n'épargna aucun effort pour aider les habitants de la ville, dont certains n'avaient plus de toit ni de moyens de subsistance, du fait des ravages occasionnés par la guerre contre les Allemands. Saint Tikhon devint l'un des membres du Synode qui s'est formé après la Révolution russe de février 1917. Le 21 juin 1917, le conseil diocésain du clergé et des laïcs de Moscou l'élut comme leur évêque. Le 15 août 1917, un concile de l'Église russe commença ses sessions à Moscou. L'archevêque Tikhon fut élevé au rang de métropolite, et élu pour la présidence du concile. Le but du concile était de restaurer la vie de l'Église orthodoxe russe conformément aux Canons de l'Église, car elle avait été restreinte par le gouvernement tsariste pendant deux siècles, depuis l'époque de Pierre le Grand, qui abolit le patriarcat de Moscou en 1721 et qui institua le Saint-Synode, nommé par le tsar, pour gouverner l'Église russe. La préoccupation première du concile de 1917 était la restauration du patriarcat. Les membres du concile devaient sélectionner trois candidats et ensuite un tirage au sort devait révéler la volonté divine. Les trois candidats furent l'archevêque Antoine de Kharkov, l'archevêque Arsène de Novgorod et le métropolite Tikhon. Le premier était réputé pour sa sagesse, le second pour sa rigueur, et le troisième pour son aménité. Le 5 novembre, après la célébration de la Divine Liturgie et d'un Molébène dans la Cathédrale du Christ-Sauveur, un moine prit l'un des trois bulletins placés dans une boîte, devant l'icône de la Mère de Dieu de Vladimir. Le métropolite Vladimir de Kiev présenta le métropolite Tikhon comme Patriarche nouvellement élu. Saint Tikhon ne changea nullement, après être devenu Primat de l'Église orthodoxe russe. En acceptant la décision du concile, le Patriarche Tikhon cita le passage biblique où le prophète Ézéchiel doit manger un rouleau où sont écrits les mots lamentations, gémissements et plaintes. Il pressentait que son ministère serait rempli d'afflictions et de larmes. Tous ceux qui rencontraient saint Tikhon étaient surpris de son accessibilité, de sa simplicité et de sa modestie. Sa douceur ne l'empêchait pas de faire preuve de fermeté dans les décisions qui concernaient les questions d'Église, et particulièrement lorsqu'il fallut défendre l'Église contre se ennemis. Il dût porter une très lourde croix. Il devait administrer et diriger l'Église malgré une complète désorganisation; sans l'aide d'une organisation administrative, au milieu de tentatives de schismes et de révoltes de la part des tenants de l' " Église vivante ", et des partisans de divisions de toutes sortes. La situation était encore aggravée par les circonstances extérieures : le changement de système politique, l'accession au pouvoir d'un régime athée, la famine et la guerre civile. Les propriétés de l'Église furent confisquées, le clergé fut attaqué par des procès et des persécutions, l'Église fut l'objet de dures répressions. Des nouvelles allant dans ce sens lui provenaient de toutes les régions de Russie. Dans ses messages, le Patriarche exhortait son peuple à accomplir les commandements du Christ et à se diriger vers une renaissance spirituelle par le repentir. Sa vie irréprochable était un exemple pour tous. En janvier 1918, devant les massacres de milliers de victimes innocentes et les profanations sans nombre des églises, des icônes et des reliques des saints, le Patriarche prononça l'excommunication des révolutionnaires, mais il continua néanmoins d'exhorter le peuple chrétien à ne pas se venger des persécuteurs et à suivre l'exemple des premiers martyrs. Après l'exécution de la famille impériale, il prononça une solennelle protestation au nom de la conscience chrétienne, mais il resta strictement sur le plan de la foi, sans s'ingérer dans les affaires politiques. Ses prises de positions lui attirèrent néanmoins la haine des communistes et en juin 1919 il échappa de peu à une tentative d'assassinat. Il n'en continua pas moins de prêcher la pardon et la réconciliation. Pour sauver des milliers de vies et pour tâcher d'améliorer la position générale de l'Église, le Patriarche s'efforça d'empêcher le clergé de prendre part aux luttes politiques. L'été 1921 vit s'étendre une grave famine dans la région de la Volga. Il exhorta les gens à venir en aide aux victimes, et permit le don volontaire de biens d'église qui n'étaient pas directement utilisés dans les Offices liturgiques. Cependant le 23 février 1922, le Comité exécutif central du gouvernement publia un décret qui désignait tout objet présentant quelque valeur comme susceptible de confiscation. Le Patriarche ne pouvait pas approuver une confiscation totale des objets du culte, contraire aux Canons de l'Église, d'autant plus que l'on pouvait réellement douter que ces confiscations aient été faites prioritairement pour combattre la famine. Partout, ces confiscations forcées soulevèrent l'indignation populaire. Plus de deux mille " procès " furent intentés par toute la Russie, et plus de dix mille croyants furent exécutés. Le message patriarcal fut considéré par le gouvernement communiste comme un sabotage, et ce fut pour cela qu'il fut emprisonné d'avril 1922 à juin 1923. Pendant ce temps, les Soviétiques continuèrent d'arrêter, d'exhiber en des jugements arbitraires et d'exécuter de très nombreux membres du clergé et des fidèles, de détruire des églises et de fermer par la force des monastères, et d'interdire à l'Église l'accès aux écoles et aux oeuvres de charité. Le Patriarche Tikhon défendit l'Église orthodoxe russe lorsque se produisit le schisme de l' "Église vivante ", provoqué par des prêtres et même des évêques, qui prônaient une rupture avec la tradition de l'Église dans beaucoup de domaines. L' "Église vivante " était largement soutenue par les soviétiques, comme manúuvre temporaire et cynique , comme moyen d'affaiblir l'Église russe, avant l'abolition complète de la religion selon l'idéologie du parti communiste. Saint Tikhon se montra lui-même comme le fidèle serviteur et le gardien de l'Orthodoxie inaltérée. Il était l'expression vivante de l'Orthodoxie, ce qui était implicitement reconnu par les ennemis de l'Église qui appelaient les fidèles des " tikhonites ". Lorsque des prêtres de l' "Église vivante " et des hiérarques revenaient à l'Église, saint Tikhon les recevait avec tendresse et amour, tout en gardant la droite ligne de la pure Orthodoxie. " Je vous demande de me croire lorsque je vous affirme que je ne conclurai aucun accord ni ne ferai de concessions qui pourraient mener à la perte de la pureté et de la force de l'Orthodoxie ", disait le Patriarche en 1924. En tant que pasteur entièrement dévoué à la cause de l'Église, il exhortait son clergé à agir de la même manière : " Consacrez toute votre énergie à la prédication de la parole de Dieu et à la Vérité du Christ, particulièrement aujourd'hui, lorsque l'incroyance et l'athéisme attaquent audacieusement l'Église du Christ. Que le Dieu de paix et díamour soit avec vous tous ! " Le fait de supporter les difficultés extrêmes dans lesquelles se trouvait l'Église, fut extrêmement douloureux et pénible pour le cúur aimant et sensible du Patriarche. Les rébellions à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église, le schisme de l' "Église vivante ", les nuits sans sommeil et les pensées douloureuses, sa réclusion qui dura plus d'un an, la malveillance et les morsures méchantes de ses ennemis, les incessantes critiques qui émanaient même des orthodoxes, tout cela contribua à miner sa santé et à diminuer ses forces. En 1924, l'état de santé du Patriarche déclina. Il fut hospitalisé, mais quittait l'établissement pour célébrer les dimanches et les jours de fête. Le dimanche 5 avril 1925, il célébra sa dernière Liturgie, et mourut deux jours après. Le jour de sa mort, il reçut le Métropolite Pierre et s'entretint longuement avec lui. Le soir venu, le Patriarche sommeilla quelque peu, puis se réveilla et demanda l'heure. On lui répondit qu'il était minuit moins le quart. Il fit le signe de la croix deux fois et dit : " Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi ". Il n'eut pas le temps de se signer une troisième fois. Près d'un million de personnes vint faire ses adieux au Patriarche. La grande cathédrale du Monastère Donskoï de Moscou ne put contenir la foule, qui submergea le domaine du monastère et emplit les places et les rues adjacentes. Saint Tikhon, le onzième Patriarche de Moscou, fut Primat de l'Église russe pendant sept ans et demie. En octobre 1989, le Synode des évêques de l'Église orthodoxe russe glorifia le Patriarche Tikhon et le compta parmi les saints. Son titre est "Saint Tikhon Patriarche et Confesseur de Moscou, Illuminateur de l'Amérique du Nord" et il est fêté le 25 mars/7 avril. Pendant près de soixante-dix ans, on pensait avoir perdu les reliques de saint Tikhon. En février 1992, elles ont été redécouvertes dans une cachette située au monastère Donskoï. Il serait difficile d'imaginer ce qu'il serait advenu de l'Église russe pendant ces années particulièrement douloureuses de son histoire. Ce sont sans doute les propres mots de saint Tikhon qui peuvent le mieux résumer sa vie : " Puisse Dieu enseigner à chacun d'entre nous à combattre pour sa Foi et pour le bien de la sainte Église, plutôt que de travailler à son propre profit ". Adapté et traduit par
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