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Art et Histoire des Icônes en
Russie du Xe siècle à nos jours |
Les écoles
iconographiques principales portent le noms des villes dont elles
sont issues. Les peintres étaient des moines vivant dans des
monastères qui pouvaient souvent se trouver hors des villes. Au gré du déplacement des populations du aux guerres intestines ou aux invasions barbares, les religieux partaient et évoluaient ou bien résistaient pour survivre en gardant une tradition qui, sans influences extérieures, finissait par exhalter des caractéristiques populaires locales. Ainsi par exemple l'école kiévienne des premiers temps émigra vers les cités du nord puis retrouvant une vie religieuse autour de Kiev, développa les catactéristiques d'un art ukrainien tout à fait particulier. Les écoles ne sont pas strictement limitées à
leurs villes; elles influencent un territoire plus ou moins large autour
d'elles. Chaque cité développe son style en fonction
de son environnement (le bois, les pigments) et selon la richesse
des monastères, donc des donateurs. De même dans chaque
atelier le maître développe ses propres techniques de
dessin, de préparations des pigments ou de vernis. Il n'en reste
pas moins que les canons demeurent obligatoirement identiques basés
sur les codes byzantins tout d'abord, puis basés sur des canons
proprement russes, confirmés par les conciles du XVIe siècle.
Quoi qu'il en soit, ces interventions étrangères dans l'art pictural subiront le sort caractéristique réservé à tout ce qui entre dans ce grand pays : elle seront "russifiées"... Louis Réau disait en 1921 dans son étude sur "L'art russe" : "Les russes assimilent les leçons mais ne copient pas : ils les adaptent à leurs traditions.[...] Les influences combinées du sol, du climat, de la religion et de l'histoire ont produit avec tous ces éléments disparates, un art qui ne ressemble à aucun autre et qui est le "miroir de la Russie". L'étude ci-dessous se propose de définir les
caractéristiques des principales écoles d'icônes russes
les plus connues et les plus classiques et d'étudier succintement
la technique de quelques maîtres iconographes dont l'influence fut
prépondérante. Une place spéciale est réservée
à l'école de la ville de Tver, rivale de Moscou; longtemps
oubliée des historiens d'art, elle nous a laissé quelques
icônes d'un style très pur. KIEV Aux premiers temps de la christianisation de la Russie,
les icônes sont apportées de l'empire Byzantin, puis
exécutées sur le territoire de Kiev par des moines
instruits au mont Athos comme Alimpy et Gregori. (Vierge de Vladimir)
Les bâtisseurs des premières églises en pierre furent des architectes grecs ainsi que les mosaïstes qui en ornèrent les murs. Mais déjà la Cathédrale Sainte-Sophie-de-Kiev et l'église de la Dime offrent à leurs murs intérieurs un mélange de fresques et de mosaïques, ce qui allait à l'encontre des conceptions byzantines. En 1037, Iaroslav le Sage, fils du Grand-Duc Vladimir, fonde sur le modèle byzantin deux monastères au sein de "La Mère de toutes les cités russes". Puis en 1051, un moine venu du Mont Athos, Antoine, s'installe dans une grotte qui avait été creusée par Hilarion alors métropolite de Kiev. Il mène un vie d'ascèce et de prière qui attire bientôt autour de lui plusieurs disciples et il fonde à l'intérieur de cette grotte un premier monastère. Les moines, de plus en plus nombreux, agrandirent la cavité primitive. Sous le règne d'Iziaslav (fils de Iaroslav) le moine Théodose fut élu higoumène et, sur les terres données par le Prince, fit élever une église et des bâtiments monastiques entourés de remparts. Les rôles de Théodose et de ce premier monastère
furent esssentiels dans la formation de la culture russe de toute
la période pré-mongole. Les peintre iconographes commencent
à développer dès le XIIe siècle un style
différent des maîtres byzantins. Depuis environ un siècle les historiens et archéologues nous font découvrir un art qui semble-t-il est entré rapidement dans sa plénitude après un court aprentissage. Le patrimoine artistique kiévien n'est pas encore totalement redécouvert et gageons que dans les décennies à venir la République d'Ukraine aura à coeur de retrouver ses racines. Le patrimoine iconographique est hélas moins bien loti. On peut assurément dire que la totalité des icônes antérieures au XVIIe siècle, de la Russie méridionale, a disparu. Les traces de cette école iconographique se trouvent dans les villes du nord et du nord-est. Les icônes furent transportées de villes en églises au gré des bouleversements de territoires durant la période des apanages, mais pour certaines présentées ici, leur datation ne fait aucun doute. Kiev du XI-XIIe siècle Détrempe à l'oeuf sur bois. Dimensions : 174cm x 122cm. Elle se trouve actuellement dans la cathédrale de la Dormition au Kremlin de Moscou. On ne peut que faire des suppositions sur son périple jusqu'à Moscou. Des experts la datent de 1170 et bien que de type byzantin, elle est déjà marquée par l'école kiévienne. |
Saint Alimpy, premier peintre russe d'icônes Bas-relief dans la cathédrale de la Dormition de Kiev L'icône de la Vierge de Vladimir fut certainement peinte à Constantinople et le patriarche Luc l'envoya en présent au Prince de Kiev, Iouri Dolgorouki. En 1155, elle fut emportée par André Bogolioubski qui voulait établir une capitale vers le nord. Arrivé près de la ville de Vladimir, ses chevaux refusèrent d'avancer. Il y vit le signe que Dieu voulait qu'il s'arrête sur ce territoire et fit construire une église de la Dormition (achevée en 1160) où fut placée l'icône. Si elle protégea encore le prince André en 1164 contre les bulgares, elle n'intervint pas lorsqu'il prit Kiev d'assaut et la livra au pillage en 1169. Lorsqu'en 1173 Bogolioubski fut tué par ses boyards, sa famille tenta de reprendre l'icône mais les habitants de Vladimir les forcèrent à la restituer. Depuis cette époque "La Vierge de Vladimir" intervient miraculeusement pour sauver la Russie ou se sauver elle-même : en 1185, un incendiene la touche pas; en 1395, elle protège contre les tatars, le Grand-Prince Vassili Dimitriévitch qui l'avait emmenée à Moscou. On lui doit également la victoire finale d'Ivan III contre la Horde d'Or en 1480. En 1521, elle protège Moscou contre le Khan de Crimée. En 1919, les autorités soviétiques la retirèrent de la cathédrale, où couronnements et mariages princiers avaient lieu en sa présence, pour la placer à la Galerie Trétiakov qui la restitua à la Cathédrale de la Dormition du Kremlin en 1993. Les deux visages semblent d'époque mais les vêtements subirent plusieurs "restaurations" entre le XVe et le XIXe siècle. " Ange aux cheveux d'or" du XIIe siècle. Détrempe à l'oeuf sur panneau de tilleul. Dimensions : 48,8cm x 38,8cm. Le fond de l'icône et les repeints de la tunique et de la tête datent du XVIIe. Nettoyée vers 1925, elle est au Musée Russe de Saint Pétersbourg depuis 1934 |