Art et Histoire des Icônes en Russie du Xe siècle à nos jours

Les origines de la Russie
Les origines
des Icônes

La légende de
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Le culte des icônes
Les principaux symboles
Byzance
Les lieux
de culte
:
les églises

Les lieux
de culte :
les maisons

Les écoles
iconographiques
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Les écoles
iconographiques
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Les écoles
iconographiques
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Les écoles
iconographiques
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Théophane
le grec

Andreï Roublev

L'évolution
occidentale

Les reflets de
la Russie :
l'Eglise

Les reflets de
la Russie :
l'armée

Les reflets de
la Russie :
les personnages et les vêtements

Les reflets de
la Russie :
la nature


MOSCOU

En 1156 Youri Dolgorouki  fortifie avec des remparts de bois un gros bourg nommé Moscou.
Dès lors ses princes n'eurent de cesse d'accroître la singularité politique, économique et culturelle de cette "votchina" (petit fief héréditaire).
Sous le règne d'Yvan Kalita, en 1337, un gigantesque incendie réduisit en cendres le premier kremlin, une grande partie de la ville, les fresques et icônes des XIIe et XIIIe siècle. Il est permis de supposer que le style de ces oeuvres était inspiré par les peintres de Vladimir dont venait Piotr le premier Métropolite à s'établir à Moscou. Les églises et les monastères furent reconstruits en pierre et commença alors véritablement l'école moscovite. Au cours du XIVe siècle plusieurs influences cohabitèrent dont celui de la renaissance des paléologues (byzantins) qui donna un des premiers chefs d'oeuvre de l'école de Moscou à la fin du XIVe : "Boris et Gleb avec des scènes de  leurs vies".

Au XVe siècle le peintre qui allait donner "son" style à l'iconographie russe en général et à l'école moscovite en particulier, fut Theophane le Grec qui bien que formé au mont Athos avait été saisi par le particularisme russe. Sa technique et son influence font l'objet d'un chapitre séparé.
Les iconostases deviennent courantes dans toutes les églises et là encore les artistes innovent, n'ayant aucune référence byzantine, simplement  guidés par le sens de la couleur et la mise en  forme plus précise des personnages.

Quelque peu aux antipodes des conceptions de Théophane, un peintre qui fut son élève : Andréï Roublev. Lui aussi devra s'affranchir des canons grecs pour laisser parler l'influence locale (son oeuvre fait également l'objet d'un chapitre séparé). Son influence fut si grande que le "Concile des cents" à la fin du XVe imposera ses oeuvres comme canons particuliers de l'Eglise orhodoxe russe.

Un troisième peintre donnera un style à  l'école de Moscou : Maître Denis. Il vécut sous le règne d'Yvan III le grand, le  reconstructeur du Kremlin et son atelier décorera de nombreuses églises; un inventaire datant du XVIe siècle effectué au Monastère de Joseph de Volokolamsk, compte plus de 90 icônes de ce peintre. Obsédé par la nécessité de représenter "la beauté qui n'est pas de ce monde" et de provoquer une élévation morale et spirituelle du croyant, il mélangea la pureté des lignes des vêtements et des visages avec la luminosité des couleurs.

Détail de l'icône ; "Mère de Dieu Hodiguitria", 
Ecole de Moscou, atelier de Maître Denis, vers 1502. Dimensions : 141cm x 106cm  Iconostase de la Cathédrale de "La Nativité de la Mère de Dieu" au Monastère de Ferapont. Il s'agit d'une des oeuvres incontestées de Denis.


L'influence de Denis ne dépassa pas le XVIe siècle.  A partir de cette époque l'iconographie prit une importance plus "descriptive" et plus "éducative". Le XVIIe fut définitivement le fossoyeur des écoles en laissant la peinture occidentale éloigner les premiers maîtres.





SIMON OUCHAKOV

Lorsque Simon Ouchakov mourut en 1686, il laissait plus de quarante d'années de travaux d'iconographe, de graveur, d'orfèvre et de portraitiste mais également d'illustrateur et de créateur de cartes géographiques.
Il dirigea la réalisation des peintures de la cathédrale de L'Archange-Michel au Kremlin.
En 1644 il est Maître de tous les Ateliers du Palais des Armures au Kremlin de Moscou (à l'époque, sorte d'Académie des beaux-Arts) et en 1664 fut officiellement désigné "Iconographe du tsar".

Inspiré par les réformes du Patriarche Nikon et fortement influencé par les écoles occidentales, il fit venir à Moscou quelques peintres européens afin d'enseigner dans son atelier les différentes techniques de peinture. Toute sa vie il fut tiraillé entre le respect des canons traditionnels et la recherche d'une innovation dans les visages et les compositions des icônes. Sa façon d'interpréter la Sainte Face (ou Mandylion) qui traditionnellement était la représentation de la Protection Divine, met à jour un côté beaucoup plus humain de Jésus et apparaît alors la notion d'icônes-portraits.

Un des plus anti-réformiste, l'archi-prêtre Avvakoum s'est violemment opposé à lui :
"Toi, esclave de Dieu, n'adore pas de façon inconvenante
ce qui été peint de façon traditionelle allemande.
Il y a trop de modifications dans ces icônes : les cheveux peignés et le chasuble modifié." Et : "Cette main aux doigts écartés, ne l'embrasse pas : elle est la marque de l'antéchrist."
Son école fut certainement à l'origine du grand développement de l'Ecole de Palekh au XVIIIe; école qui existait déjà à son époque mais qui produisait alors en grande quantité des icônes d'une technique plutôt rudimentaire. Le peintre Iossif Vladimirov qui travaillait avec Simon Ouchakov, lui écrit : 

"Les habitants de Palekh vendent des icônes sur les marchés dans les villages les plus éloignés, en les échangeant contre des oeufs et des oignon"
Au-delà des opinions sur l'évolution de l'iconographie, on doit à Simon Ouchakov la gestation et donc la naissance de l'art profane en Russie mais aussi une démarcation entre les classes cultivées prêtes à faire évoluer leur culture et les classes populaires qui conservaient à l'art traditionnel un pouvoir protecteur superstitieux.







Les saints Boris et Gleb avec des scènes de leurs vies
mi-XIVe siècle - Détails-
Provenance : église de Saints-Boris-et-Saint-Gleb-aux-Etangs
dans la ville de Kolomna, rattachée à
la principauté de Moscou. 
Actuellement visible à la Galerie Trétiakov de Moscou.
Les vêtements ont été repeints
après un incendie au XVIe siècle.
Le fond d'origine est probablement rouge et remplacé
par des feuilles d'or.
Les deux visages
des saints présentent la particularité, contrairement à
la ligne générale de l'ensemble de style byzantin,
d'être purement russes.










Le Christ Grand Prêtre.
Dimensions : 61cm x 48
Cette icône est signée et datée : on peut lire en bas du panneau :
" Peint par Maître Simon Ouchakov en l'année 1656
du règne de Alexis Mickaïlovitch".
Le Christ est représenté avec la mitra des "grands archevêques".
C'est une création pure de Simon Ouchakov :  aucune autre représentation sous cette forme n'avait été peinte auparavant.


Mandylion
- 1678-.
Dimensions : 53cm x 42cm
L'art de Simon Ouchakov a évolué, par rapport à l'icône précédente :
le linge portant le visage de Jésus est représenté finement brodé de motifs dorés; les traits du visage sont nettement plus modelés comme dans les représentations occidentales, tout en gardant cependant les touches de lumière des carnations
de l'iconographie classique.



©Marie Deriglazoff-2000 à 2010-