Art et Histoire des Icônes en Russie du Xe siècle à nos jours

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THEOPHANE LE GREC

Il ne reste que peu de témoignages de l'art iconographique moscovite de la fin du XIVe siècle.

Les rares icônes de cette époque présentent encore l'influence byzantine et l'assimilation de l'esthétique des Paléologues.
En 1395, à la fin de la construction de l'église de La Nativité-de-la-Mère-de-Dieu, arriva à Moscou Théophane le Grec, pour peindre des fresques en association avec Tchiorny et Roublev.
Moine formé au Mont Athos et à Constantinople, né vers 1330, il semblerait qu'il soit arrivé en Russie, à Novgorod, dans les années 1380, où il peignit pour l'église du Sauveur-de-la-Tranfiguration,
premier travail mentionné dans les annales de Novgorod et encore visible de nos jours.

Ses plus célèbres réalisations furent, également en collaboration avec Roublev (dont on ne sait véritablement s'il fut un élève ou un co-acteur), les fresques en 1405 de la cathédrale de L'Annonciation au Kremlin. Les peintures furent achevées en une année et on suppose qu'ils peignirent ensemble les icônes de l'iconostase,Théophane se chargeant des plus grands panneaux (environ 2m de haut).

On est désormais certain qu'à Moscou, Théophane dirigea un très grand atelier avec de nombreux élèves et disciples.

Il manifesta également son art dans les techniques de l'enluminure de manuscrits (ci-contre).

Il influença les techniques et l'art des artistes locaux et, en  s'imprégnant pendant plus de trente ans de la spiritualité slave, il donna naissance à une iconographie purement russe.

Avant d'être un fresquiste et un dessinateur, Théophane est surtout un peintre. Il lui arrive souvent de corriger ses lignes de dessin en peignant.  

Il est surtout reconnu comme étant l'interprète de la lumière : il pose des lignes blanches fermes et assurées sur  les visages et les drapés comme dans l'icône de La Dormition qui est le verso de la célèbre Vierge du Don (Donskaïa) peinte durant la période "novgorodienne" de Théophane le Grec, vers 1390.
Théophane serait décédé au début des années 1400.


ANDREI  ROUBLEV

Parlons tout d'abord de saint Serge de Radogène, fondateur du monastère de La-Trintié à Sergueï-Possad à moins d'une centaine de kilomètre au nord-est de Moscou. Fils d'un grande famille de boyards, il est très cultivé et sa réflexion autant que son enseignement pronent l'idéal de la beauté céleste. Par une vie de prière et de béatitude, les moines vont aider chaque être humain à devenir lui-même icône de Dieu. Ses vues intellectuelles tout autant que ses conceptions de la contemplation attirèrent dans son monastère quantité de moines, d'artistes et des grands de son temps. Il en profita d'ailleurs pour réconcilier les princes des Apanages en guerre.

Andreï Roublev fera partie de ces moines (ou laïque au début?) et artistes qui subiront la forte influence spirituelle de Serge.

Né vraisemblablement vers 1370, il est fresquiste et iconographe rattaché (d'après les Chroniqueurs) à  plusieurs couvents mais séjourne la plupart du temps au Monastère-De-La-Trinité. Il travailla également au monastère d'Andronik (Moscou), fondé par un disciple de saint Serge. Certains historien russes pensent qu'il fut le starets de la cathédrale, dirigeant le monastère avec l'higoumène. Une copie du XVIIIe de la pierre tombale aujourd'hui disparue de Roublev indique que le peintre mourut le 29 janvier 1430 et fut inhumé dans ce monastère.

En 1405, il travaille avec Théophane le Grec à la décoration de la cathédrale de L'annonciation du Kremlin, où il peint dans l'iconostase le groupe de l'Ordre des Fêtes : de l'Annonciation à l'Entrée du Christ à Jérusalem.
En 1408, il est invité à peindre dans la cathédrale de La-Dormition à Vladimir avec l'iconographe Daniel Tchiorny.  Témoin des atrocités de la fin du XIVe-début du XVe et des crimes commis sur les populations russes par les derniers sursauts de la domination mongole, il ne traduira pas un Dieu vengeur mais au contraire un Dieu d'amour, de tendresse et d'espoir, compatissant aux malheurs des hommes. Ainsi naîtra vers 1411, la magnifique icône de La Trinité réalisée pour l'iconostase de la cathédrale du monastère de St Serge de Radogène.
Saint Joseph de Volokolamsk fait cette description : "Ces merveilleux et célèbres iconographes, Daniel [Tchiorny], son disciple André [Roublev] avaient une telle vertu et un tel zèle pour le jeûne et la vie monastiquequ'ils  purent recevoir la Grâce Divine; ils élevaient constammentleurs esprits et leurs pensées vers la lumière imatérielle et divine,  et leur oeil charnel vers les imagespeintes avec des couleurs matérielles."
Au XVIe siècle,
Roublev fut reconnu par le Concile de Cents comme étant le peintre de référence sur de nombreux thèmes et principalement sur celui de la représentation de la Sainte Trinité.

Une vue d'une des salles de la galerie Trétiakov de Moscou, où sont exposées les principales oeuvres d'Andreï Roublev.

On réalise beaucoup mieux la taille des oeuvres destinées aux iconostases :
la célèbre Trinité,à droite, mesure 142cm x 114cm; à l'extrême gauche sur la photo, l'icône du Sauveur mesure 158cm x 108cm et 
l'icône de saint Paul à ses côtés 160cm x 110cm. Au centre "La Déisis" provenant de la cathédrale de La-Dormition de Vladimir;  à droite du Christ, saint Jean-le-Précurseur (Jean Baptiste). Peint en 1408, chaque panneau mesure plus de 3 mètres de haut.

Ces icônes ainsi que celle du Sauveur furent retrouvées en 1918 dans une réserve de bois à Zvenigorod. Leurs dimensions laissent penser qu'elles faisaient partie d'une iconostase mais on ignore de quelle église. On retrouva des traces d'or sur tous les fonds. Malgré les dégradations subies, la peinture reste d'une qualité exceptionnelle aux endroits de sa conservation. 

La perte de matière est essentiellement due au fait qu'avant le XVIe siècle 
on ne marouflait que rarement le bois avant de poser les enduits précédant la peinture elle-même.  Ce marouflage (collage d'un tissu directement sur le bois) permet une homogénéité entre l'enduit et le bois; la peinture posée sur l'enduit reste ainsi attachée à son support.
Ces deux icônes ont été expertisées comme étant incontestablement de la main du Maître Roublev et pourraient dater des années 1410-1415.

On a coutume de comparer voire d'opposer deux artistes dans l'iconographie de cette époque troublée : Théophane Le Grec et Andreï Roublev. Certes si le premier est plutôt un fresquiste où la tension dramatique intérieure surgit sur les visages de ses personnages, rehaussés de traits en blanc pur, parfois violents, le second est l'iconographe de la sérénité, de la paix et de l'équilibre.

On a voulu également faire de Roublev l'élève de Theophane; en fait s'ils ont effectivement travaillé ensemble avec le peintre Prokhor de Gorodets au Kremlin, il semble bien que l'un ne dépendait pas de l'autre et concevaient bien des oeuvres différentes tant dans leur style qu'au niveau des supports. D'après Victor Lazarev, Roublev aurait été élève de Prokhor qui l'aurait amené avec lui peindre avec Théophane.



Détail du visage d'un patriarche.
Les traits du visage sont bien marqués 
par ces fameux coups de pinceaux blancs énergiques sans être
toutefois trop violents. 
Il trace en quelques traits tout le
volume 
de la barbe et des cheveux.



Ci-dessous
Détail de l'icône de La Dormition
située au dos de l'icône de
la Vierge Donskaya















Fresque  de Théophane le Grec dans la cathedrale de la Transfiguration à Novgorod
- 1374 (?) -












Icône de Saint Michel
Andreï Roublev




Miniature de l'Evangile du
monastère de Saint Andronikov
de Moscou (28,2 x 21,3 cm), exécutée vers 1374
par Andreï Roublev
Musée Historique
d'Etat de Moscou.


©Marie Deriglazoff-2000 à 2010-