Art et Histoire des Icônes en Russie du Xe siècle à nos jours

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Les écoles
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L'évolution
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Pierre Ier le Grand commença à régner quatre ans avant la mort de Simon Ouchakov lorsque celui-ci était à l'apogée de son art et de son influence sur l'iconographie russe.
Le jeune souverain, grand réformateur de l'état russe, se pencha également sur le contrôle de l'Eglise et supprima le patriarcat qu'il remplaça par un synode sous contrôle de l'état.

A partir de 1707, il confia la spiritualité de l'art sacré au métropolite Stephan Iavorsky et le contrôle "matériel" échu à un Surintendant des Affaires Ecclésiastiques. Les iconographes durent désormais obtenir un certificat d'aptitude pour pouvoir peindre et vendre leurs oeuvres.

En 1722  le tsar décida des sujets à traiter et de la façon de le faire. Toutes les références aux traditions théologiques du passé sont interdites et bien entendu tout ce qui pouvait rappeler les valeurs des Raskolnicks (Vieux-croyants) déjà en révolte depuis les réformes du patriarche Nikon au XVIIe siècle.

L'évolution vers une occidentalisation de l'iconographie avait déjà pris racine au XVIIe sous l'influence de Simon Ouchakov et de ses élèves. Un changement primordial qui allait à l'encontre de la vertu première du peintre (l'abnégation) apparut alors : la signature des icônes.
Il est vrai que quelques grands maîtres d'ateliers apposaient déjà leurs signes de reconnaissance au dos des icônes. Mais le pas était franchi de peindre sur le devant de l'icône, une sorte "d'aide-mémoire" comportant le nom du peintre, le nom du commanditaire et la destination de la peinture.

L'influence des artistes français, hollandais, italiens et allemands, invités par Pierre le Grand fut manifeste. : désir de plaire au souverain, obéissance absolue au nouveau goût, ou réelle envie de dépasser les critères ancestraux pour aller vers un nouveau style russe? Les trois à la fois sans doute mais ce fut bel et bien la mort des écoles locales et désormais l'uniformisation des modèles dans toute la Russie.

Apparaissent à cette époque une multitude d'icônes de la Vierge quelquefois totalement créées sans aucun base référentielle aux canons de l'iconographie. Cette prolifération trouvera son apogée au début du XIXe siècle.

Le XVIIe siècle sera également celui de l'usage à outrance de la "riza" : revêtement métallique de la peinture ne laissant apparaître que le visages et les mains; il est probable que l'on essaya ainsi de dissimuler un peinture que l'on disait péjorativement primitive afin de mettre en valeur les nouveaux canons.

Les arrières-plans s'encombrent de paysages et de modèles architecturaux qui n'ont plus rien à voir avec les canons iconographiques grecs et russes. Les visages, et les carnations en général, sont traités en clair-obscur et parviennent à exprimer des sentiments. Quand à la composition proprement dite de l'icône,  on abandonne l'effet de perspective inversée pour introduire les notions de volume.

L'influence occidentale se poursuivra jusqu'au XIXe siècle et au tout début du XXe, avant la révolution. 
L'icône ne devient qu'un tableau religieux dans la majorité des cas, dans la pure traditon "Saint-Sulpicienne". On voit réapparaître l'image de Dieu-Le-Père en grand vieillard à barbe blanche, alors que la représentation sous cette forme était interdite depuis le Concile dit des Cents Chapitres à Moscou au XVIe siècle.



Les deux icônes ci-dessus représentent la même scène : lors de la bataille de Novgorod contre Souzdal, le clergé, en procession, remet aux représentant de la ville assiègée l'icône de la Vierge du Signe afin qu'elle soit portée en protection sur les remparts.
A gauche la scène telle qu'elle fut peinte au XVe siècle par un artiste de l'Ecole de Novgorod; à droite la même scène traitée par un artiste de Iaroslav à la moitié du XVIIIe siècle.

Parmi les nouveaux sujets iconographiques, ceux mettant en scène la Vierge, Mère de Dieu, furent les plus nombreux. De plus en plus la Vierge portera les attributs de la royauté : couronne et sceptre. On trouvera dans la littérature une abondance de descriptions d'évènements miraculeux entretenant des légendes populaires.

ci-contre :"Vierge-de-la-Joie-Inespérée" ou "Netchaïanaïa Radost". Elle date du XIXe. 

L'enfant montre ses mains laissant apparaître les marques de la crucifixion. En cartouche l'histoire de la représentation : un homme injuste récitait habituellement des prières devant une icône de la Vierge. Puis un jour il vit la Mère et l'Enfant s'animer et le sang couler des mains et des pieds de Jésus. Effrayé, il demanda la raison de sa vision; la Vierge lui répondit que lui et d'autres de ses semblables étaient la cause des souffrances de son fils. Prenant conscience de ses péchés, implorant le pardon de Dieu et l'obtenant, il partit le coeur rempli  "d'une joie inespérée".





Icône de Maxime le Bienheureux, 

dimensions : 144cm x 86cm, provenance : Eglise Maxime-le-Confesseur à Moscou.
Présentée pour la première fois à l'Exposition  organisée par la Fondation Pierre Gianadda et la Galerie Tretiakov en 2001.
Maxime fut canonisé en 1547. En arrière-plan du saint la représentation du Kremlin de Moscou. Devant les remparts,
les personnages en procession portent les reliques du saint.
A noter l'apparition très "saint-sulpicienne" du Christ en haut
à main gauche. Dans les peintures respectant la tradition iconographique russe, la sanctification divine devait être représentée par une main effectuant le signe de bénédiction
et non par un personnage entier sortant d'un petit nuage.Une caractéristique de la technique du XVIIIe : les carnations ne sont plus peintes en contrastes et avec des rehauts de traits blancs mais désormais en modelés respectant la morphologie musculaire avec un art des dégradés et fondus en clair-obscur.





Détail de l'icône "Synaxe des Saints Russes"
ou "Image de tous les Saints de la Terre Russe"
du XIXe siècle; dimension 50,7 cm x 42,8cm;
présentée pour la première fois à l'Exposition organisée par la Fondation Pierre Gianadda et la Galerie Tretiakov en 2001.
Cette icône prend une liberté certaine avec les canons
de l'Eglise. En effet
le Concile de Cent Chapitres en 1551 à Moscou interdit
depuis cette époque, dans les peintures de la Trinité,
de reproduire Dieu en vieillard à barbe blanche. Désormais
la Trinité devait être présentée comme celle d'Andreï Roublev :
les trois anges venus visiter Abraham pour lui annoncer que sa descendance serait aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel.


©Marie Deriglazoff-2000 à 2010-